Autre élection, autre descente dans le caniveau.

À l'approche des complémentaires de Louis-Hébert, les chefs du PQ et de la CAQ rivalisent à nouveau de bassesses, exactement comme ils l'avaient fait en décembre dernier.

La cible, cette fois, n'est ni la burqa ni le tchador, mais bien les demandeurs d'asile haïtiens que les deux politiciens n'hésitent pas à stigmatiser, comme s'ils n'étaient pas déjà assez montrés du doigt. Comme si, surtout, il n'était pas question de familles à la recherche d'une terre d'accueil.

Pour bien se distancier de ceux qu'il qualifie de «migrants illégaux», François Legault parle simplement de «ces gens-là», comme dans la chanson de Jacques Brel, mais sans ironie. Tandis que Jean-François Lisée évoque de manière partisane les «invités de Trudeau», afin de bien orienter le débat sur l'enjeu financier, qu'il juge important.

«La question, c'est : combien ça va coûter et qui va payer? Depuis quelques jours on essaie de savoir quelle sera la compensation fédérale pour ces invités de Justin Trudeau, a-t-il dit hier. [...] L'argent qu'on va mettre là, on va le prendre où?»

La phrase donne des frissons dans le dos, surtout quand on se rappelle que cet homme rêve d'être à la tête d'un Québec indépendant.

Doit-on en conclure que les migrants ont réussi à rentrer ici seulement parce que le Québec fait partie du Canada? Et qu'au contraire, si le Québec était souverain, M. Lisée se serait assuré de garder les frontières bien étanches, malgré les conventions internationales? Et ce, pour ne pas avoir à dépenser un sou du budget de 100 milliards de l'État, malgré le décret pour les demandeurs d'asile adopté par son propre parti il y a dix ans?

Est-ce vraiment ce que l'ancien ministre des Relations internationales voulait dire quand il a déclaré qu'«un Québec indépendant ferait respecter sa frontière»?

On peut certainement s'interroger sur le coût pour le Trésor public de la gestion de cet afflux de migrants, comprenons-nous bien. Mais le procédé rhétorique choisi est indigne d'un chef de parti, car il joue sur la méfiance et l'inquiétude et multiplie ainsi les victimes collatérales à des fins électorales. Le même raisonnement vaut pour le malheureux parallèle tracé avec les aînés qui n'ont pas droit à un bain, comme si les besoins d'un groupe vulnérable nous empêchaient collectivement d'en aider un autre.

C'est donc maintenant à répétition que le chef du PQ «agite des vecteurs qui chatouillent la part sombre de nos âmes», comme le lui avait reproché son député Maka Kotto il y a un an, lorsqu'il avait osé des amalgames douteux au sujet des burqas et d'Adil Charkaoui pour gagner la course à la direction.

Et c'est également à répétition que François Legault profite des échéances électorales pour tirer lui aussi le débat vers le bas.

Lui aussi choisit de polariser pour consolider sa base, comme si la fin (électorale) justifiait tous les moyens.

Dans une publicité diffusée l'automne dernier, sous prétexte de diriger le seul parti «qui défend nos valeurs», il prétendait que MM. Couillard et Lisée sont «en faveur du tchador pour les enseignantes dans nos écoles». Et aujourd'hui, il répète que les migrants haïtiens «ne sont pas des vrais réfugiés politiques», comme si le Québec avait choisi d'ouvrir ses portes aux mauvaises personnes, comme si les demandes étaient nécessairement toutes infondées.

Or comme pour les enjeux de religion et de laïcité, la situation des demandeurs d'asile exige le plus grand doigté, le plus grand respect, la plus grande sensibilité. Du moins pour qui prétend avoir les qualités d'un chef d'État.

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