«Bâtir une classe moyenne forte.» Curieux titre pour un budget qui s'adresse peu à la «classe moyenne» et qui se fait timide sur les nouveaux investissements servant à «bâtir».

On retrouve bien dans cet exercice budgétaire des mesures pour «les gens ordinaires», pour reprendre les mots de Bill Morneau. On distribue certes quelques allègements fiscaux à cette catégorie fourre-tout qu'est la classe moyenne.

Mais soyons honnêtes, on est loin d'en faire l'orientation principale de ce budget impressionniste, quoi qu'en dise le titre en grosses lettres majuscules. Si on avait vraiment à résumer le document en une phrase, ça ressemblerait davantage à ceci : le monde change, faut que le pays change aussi...

En ce sens, le mérite du dernier budget Morneau, ce ne sont ni ses mesures ni ses programmes, c'est d'orienter le Canada dans une direction prometteuse au moment où la croissance se fait incertaine. Son mérite, autrement dit, est plus structurel qu'opérationnel.

Le gouvernement prend en effet acte des grandes mutations qui préoccupent bien des Canadiens.

Les changements qui bousculent l'économie. Les menaces que la technologie fait peser sur les emplois traditionnels. L'importance des emplois à forte qualification dans le marché du travail.

Et face à ces défis, il utilise son budget pour mettre le cap sur une économie plus innovante, plus propre, plus équitable... en croisant les doigts pour que cela stimule la croissance, la productivité et, ultimement, la classe moyenne.

Il y a donc du bon dans ce budget aux allures d'énoncé de vision ou de discours du Trône, comme l'écrit Alain Dubuc. Un budget axé sur l'innovation, sur l'adaptation à un monde qui change à la vitesse grand V.

Pour mieux innover, par exemple, le gouvernement Trudeau veut alléger les structures et les programmes. Il entend créer un guichet unique (Innovation Canada) pour faire le ménage et stimuler à la foi les innovations et leur commercialisation. Il sélectionnera un «petit nombre» de «supergrappes» qui se partageront près de 1 milliard sur cinq ans. Et il mise sur une stratégie pancanadienne de l'intelligence artificielle, qui se déploiera à Montréal, à Toronto et à Edmonton.

Pour s'adapter à la nouvelle société du savoir, le ministre Morneau compte faciliter la vie des adultes qui retournent aux études. Il souhaite doubler le nombre d'entreprises qui oeuvrent dans le numérique et les technologies propres. Et il assouplira les règles pour attirer plus facilement les gens de talent provenant de l'étranger.

Pour pallier le vieillissement de la population, il donnera un coup de pouce aux proches aidants, il facilitera la reconnaissance des diplômes des immigrants et il incitera les travailleurs à mettre à niveau leurs compétences.

Bref, le gouvernement prend une bonne direction, tout en jouant de prudence, en limitant les dépenses en ces temps incertains. En ce sens, le budget Morneau a les défauts de ses qualités : il met le cap sur une économie plus innovante... mais il oblige le pays à s'y diriger à très basse vitesse. Il mise sur de bonnes mesures... mais il les saupoudre, les étale sur de longues périodes, se limite souvent à en tracer les grandes lignes.

Le gouvernement souhaite, par exemple, contribuer au développement des villes intelligentes, mais les fonds sont égrenés sur 11 années.

Il mise sur les transports en commun, mais il tarde à appuyer le train électrique de la Caisse de dépôt, qu'il se contente d'évoquer. Il veut rapprocher les chercheurs et le secteur privé pour commercialiser l'innovation, mais il manque de détails pour comprendre comment il y arrivera.

Dans le fond, le budget est à l'image du premier ministre. Il est volontaire, prompt à utiliser l'expression «classe moyenne», pétri de bonnes intentions, mais parfois chiche en solutions et en réalisations.

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