Le premier ministre a choisi de souffler sur les braises de la polarisation...

Depuis l'Islande où il dirigeait une mission ces derniers jours, Philippe Couillard a en effet réagi à l'élection de Jean-François Lisée en attisant un débat qui pourrait s'enflammer si l'on ne fait pas attention. Le nouveau chef, a-t-il dit, ramène le Parti québécois « vers la voie des partis populistes d'Europe ». Des partis avec lesquels il a « une parenté familière ».

Il s'agit clairement d'enflure verbale. Et ce n'est pas parce que le premier ministre s'est abstenu d'utiliser l'expression « extrême droite » que le lien ne s'est pas imposé par lui-même.

De la même manière, Philippe Couillard n'avait pas besoin de prononcer le mot « xénophobe » pour qu'on comprenne ce qu'il insinuait, en mai dernier, lorsqu'il a accusé François Legault d'« enfourcher le mouvement de ressac anti-immigration qu'on observe au sud de notre frontière et en Europe ». Surtout quand il a ajouté, avec la nuance d'un inquisiteur, que la Coalition avenir Québec « souffle encore une fois sur les braises de l'intolérance ».

Le Québec a été jusqu'ici épargné par les vagues de populisme qui frappent les côtes de l'Occident avec insistance. Il l'est toujours, mais il faut faire attention de ne pas tenter le diable en instrumentalisant ces délicates questions pour des raisons bassement partisanes.

Et ce, peu importe de quel côté on siège à l'Assemblée nationale.

La CAQ et le PQ sont loin de flirter avec les thèses de l'UKIP britannique et du Front national, contrairement à ce que Philippe Couillard laisse entendre. Mais dans un contexte québécois, plus modéré, plus mesuré, plus apaisé, mener la chasse au burkini et aux AK-47 sous les burqas équivaut à jouer avec le feu. Il n'y a qu'à voir les réactions sur les réseaux sociaux pour s'en convaincre.

Quant au premier ministre, il a une responsabilité supplémentaire. Il a le pouvoir de calmer le débat, tout comme il a le pouvoir d'embraser la flamme naissante. Or, par ses exagérations répétées, il attise hélas les tensions, il polarise un débat qui l'est déjà, il participe à la difficulté d'échanger sur des sujets aussi importants que la radicalisation et l'intégration. Il empêche, par ses condamnations ex cathedra, de discuter des seuils d'immigration, un sujet qui mérite pourtant un sain débat, basé sur des faits et des arguments raisonnés.

Jean-François Lisée et François Legault ont péché par populisme ces derniers mois, et ces écarts méritent d'être dénoncés en ce qu'ils polarisent eux aussi la population sur ces enjeux délicats. Mais pour autant, tous les populismes ne riment pas avec racisme, tous les dérapages ne sont pas des preuves d'intolérance.

La pente est dangereuse, pour tout le monde. Raison de plus pour que le premier ministre s'en tienne loin, surtout à un moment si éloigné des prochaines élections. C'est à lui, plutôt, de calmer le débat quand il plonge, à lui d'éteindre les flammes quand elles se manifestent.

On s'attend certes à plus de hauteur de Jean-François Lisée, maintenant qu'il est chef de parti. Mais on s'attend aussi à plus de mesure du premier ministre.

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