Oui, la cause est louable. Oui, l'intention est bonne. Mais la Ville avait-elle vraiment besoin d'aller si vite ?

C'est la question qui se pose à la lecture du règlement sur le contrôle des chiens dangereux. Un règlement que le maire Coderre a eu raison de mettre en place, mais dont le contenu manque tellement de sérieux qu'on peut se demander si la Ville ne passera pas les prochaines années au palais de justice...

On compte en effet suffisamment d'articles imprécis et inapplicables pour craindre des contestations en série, comme celle qui est actuellement devant les tribunaux.

Et on ne parle même pas, ici, de la portion visant la définition des « chiens de type Pit bull », sur laquelle la Cour supérieure doit statuer d'urgence aujourd'hui, à la demande de la SPCA. Laissons au juge Gouin cette prérogative et attardons-nous aux autres articles de ce qui a malheureusement des airs de brouillon réglementaire...

Prenons l'article 17. Le gardien d'un pitbull doit entourer sa cour d'une clôture d'au moins 2 mètres de haut. Mais que faire dans les huit arrondissements qui, comme Anjou, Verdun et Lachine, interdisent toute clôture de plus de 1,80 m ? Que faire dans le Vieux-Montréal ? Que faire dans l'immense périmètre de l'aire historique du mont Royal qui comprend des portions du Plateau, de Ville-Marie et de Côte-des-Neiges, où l'on interdit d'ériger toute clôture sans l'approbation du ministère de la Culture ?

Prenons l'article 3. Il interdit la possession de tout animal qui n'est pas nommé dans le règlement. Les Montréalais peuvent donc avoir un chat, un furet ou un « phalanger volant né en captivité ». Ils peuvent posséder un crapaud d'Amérique, un ouaouaron et un necture tacheté. Mais l'émeu est interdit, de même que le crocodile, la tortue marine et le kiwi.

Et le poisson rouge ? On a oublié les poissons ?

Prenons l'article 5. Tout propriétaire de chat devrait déjà s'être présenté à la Ville pour obtenir un permis obligatoire, sous peine d'amende. Or, le règlement a été adopté le 27 septembre et s'applique depuis le 3 octobre (sauf la portion sur les pitbulls) : donc les bureaux Accès Montréal auraient dû délivrer 330 000 permis en cinq jours ouvrables, soit deux permis à la seconde...

Ou bien on ne s'attendait pas à appliquer le règlement, ou bien il est carrément inapplicable.

Entendons-nous, il n'y a rien de grave dans ces quelques failles, rien qui ne se modifie au conseil municipal. Le problème n'est pas là.

Le problème est plutôt dans le manque de rigueur d'un règlement qui s'est manifestement fait dans la précipitation. Et ce, tout en sachant que la SPCA se battrait sur tous les fronts (sa menace de quitter Montréal est un chantage tout simplement odieux, d'ailleurs), tout en sachant qu'Anne-France Goldwater et ses partisans contesteraient ce règlement jusqu'à sa disparition...

Or, rappelons-nous ce qui est arrivé la dernière fois que la « machine municipale » a pondu un règlement approximatif : la Régie des alcools a forcé la Ville à réécrire son projet. Avez-vous entendu parler d'heures d'ouverture prolongées des bars depuis ?

Si le juge ne renvoie pas la Ville à ses devoirs dès aujourd'hui, un autre le fera un jour ou l'autre.

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