Enfin ! L'Office national de l'énergie (ONE) a pris beaucoup, beaucoup trop de temps, mais elle a fini par arriver à la même conclusion que tout le monde : ses commissaires n'avaient d'autre choix que de se récuser.

Lyne Mercier et Jacques Gauthier en sont venus à l'évidence : leur rencontre avec Jean Charest, alors lobbyiste pour TransCanada, a pu « semer le doute » quant à l'intégrité de l'évaluation du projet Énergie Est.

Bien.

Et maintenant... stop ou encore ? On reporte l'examen ou on le poursuit ?

La question est plus délicate qu'il n'y paraît. Le gouvernement a le choix : il peut nommer rapidement de nouveaux commissaires et reprendre les travaux où ils ont été arrêtés... ou attendre de réformer l'Office comme il l'a promis, et ensuite relancer le processus à neuf.

Bien sûr, la tentation est grande de poursuivre l'examen dès que possible, fort de cette virginité.

Après tout, l'ONE a fait plus qu'amende honorable : elle a annoncé non seulement la récusation de ces deux commissaires, mais aussi du troisième commissaire pour faire table rase, et même du président de l'Office, Peter Watson, qui ne participera pas au choix du nouveau panel.

On repart donc clairement sur de nouvelles bases... mais seront-elles suffisamment solides ?

C'est la question que l'Office, le gouvernement et surtout TransCanada auraient intérêt à se poser avec lucidité avant de prendre une décision. Car ce qui est reproché à l'ONE va bien au-delà de « l'affaire Charest » et remet en question non seulement l'examen du projet Énergie Est, mais aussi l'ensemble du processus des évaluations environnementales fédérales.

Remarquez, il est possible qu'un nouveau panel de commissaires irréprochables calme néanmoins les esprits. Que la relance des travaux ramène l'ordre lors des audiences et permette un examen nécessaire et approfondi du projet. Que le mea culpa de l'Office induise une certaine confiance, au moins chez ceux qui ne manifestent pas une opposition dogmatique à tout projet d'oléoduc.

Tout cela est possible, surtout que des mesures transitoires ont été adoptées ces derniers mois en attendant la réforme, comme une plus grande consultation publique et une évaluation plus poussée des gaz à effet de serre.

Mais toute chose possible comporte le risque de ne pas survenir. Il est aussi possible que l'attentisme des commissaires ait rompu la confiance pour de bon. Que l'improvisation et le cafouillage des derniers mois aient porté atteinte à l'intégrité de l'ONÉ. Que la promesse du gouvernement de réformer l'Office... l'ait carrément condamné dans son état actuel, eh oui.

Soyons clairs, TransCanada a tout à fait la légitimité d'exiger la poursuite des travaux, étant donné que l'examen était déjà entamé lors de l'élection des libéraux. Mais une question se pose : quel risque l'entreprise souhaite-t-elle prendre ?

Le risque de poursuivre un examen miné par la méfiance, avec la menace que cela fait planer sur la crédibilité du processus, l'appui des élus et l'acceptabilité sociale d'un projet qui pourrait ainsi rencontrer un mur ? Ou le risque d'attendre la réforme, avec ce que cela signifie de délais, de coûts et d'incertitudes quant à l'avenir d'Énergie Est ?

Relancer le processus sans tarder peut certainement accélérer sa réalisation. Mais il peut aussi le condamner à jamais.

C'est un pensez-y-bien...

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