Denis Coderre était tout sourire, mercredi dernier, lorsqu'il s'est présenté aux côtés de Denis Gallant au Salon Maisonneuve de l'hôtel de ville. Non seulement il remplissait sa principale promesse électorale, mais il permettait enfin à Montréal de se distinguer dans la lutte contre la corruption.

Après avoir touché le fond du baril, la métropole devient en effet la première ville au pays à se doter d'un super-enquêteur chargé de traquer en permanence les anomalies dans l'attribution et l'exécution des contrats. Une excellente nouvelle... si le maire prend la peine de couper les deux boulets attachés au pied du futur inspecteur général.

Disons-le, la recommandation de Denis Gallant pour occuper cette fonction est un coup fumant. L'homme est auréolé de son travail à la commission Charbonneau, adoubé par Jacques Duchesneau et appuyé par l'ensemble de la classe politique. Il a ainsi droit à une crédibilité renforcée avant même de lancer une seule enquête.

Quant à ses pouvoirs, ils sont beaucoup plus mordants que ne le prétend l'opposition. L'homme aura le mandat de surveiller les processus d'attribution et d'exécution des contrats par la Ville et toute entreprise avec laquelle elle fait affaire. Cela signifie autant les contractuels que les simples soumissionnaires, ce qui accroît les chances de détecter la collusion.

Vrai, l'inspecteur n'aura pas la latitude d'un président de commission d'enquête, mais il aura néanmoins le pouvoir de pénétrer dans un bâtiment pour procéder à des examens, obliger l'occupant à lui prêter main-forte, utiliser les ordinateurs sur place pour accéder à des données pertinentes à la réalisation de son mandat, sous peine de sanctions pénales en cas de non-collaboration.

Il aura enfin le pouvoir de résilier ou de suspendre tout contrat attribué par la Ville dès qu'il soupçonnera l'existence d'une quelconque manipulation.

En amont, donc, l'inspecteur aura suffisamment de pouvoirs pour mener à bien sa tâche, ce qu'a souligné Me Gallant. Jamais, a-t-il dit, il n'aurait accepté un poste à la marge de manoeuvre limitée.

N'empêche, en aval, l'inspecteur pourrait éprouver de sérieux problèmes si le projet de loi 73 était adopté comme tel. Ce dernier comporte en effet deux entraves qui pourraient bien freiner Denis Gallant.

D'abord, l'administration Coderre n'a pas fait le ménage qui s'impose dans les structures avant d'en ajouter une. L'inspecteur pourra certes cohabiter avec le vérificateur général (qui s'occupe des opérations financières passées pour éclairer l'avenir), mais pas avec le contrôleur général (qui ressemble à un inspecteur édulcoré sans indépendance).

Le jour où le poste d'inspecteur voit le jour, celui de contrôleur devrait être aboli pour éviter tout conflit ou chevauchement.

Ensuite, l'article 57.1.12, donne aux paramunicipales le droit de «renverser» toute décision de l'inspecteur. Or que des organisations sans élus comme la SHDM jouissent d'un tel droit de veto est une aberration dans le contexte délétère actuel, comme l'a dénoncé Projet Montréal.

Seul le conseil municipal devrait se garder une telle prérogative, en cas de force majeure.

Une fois ces problèmes corrigés - et le projet de loi adopté -, Montréal pourra enfin se vanter d'avoir tiré des leçons de la crise de moralité qui la secoue depuis trop longtemps.

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