La Stratégie nationale de mobilité durable dévoilée hier devait rompre avec les dernières décennies en accordant au transport en commun la marge de manoeuvre financière et administrative qu'elle mérite.

Or, le gouvernement Marois ne fait qu'un demi-pas en ce sens en s'occupant certes du plus urgent, mais en reléguant à plus tard les décisions difficiles. On nous avait promis une révolution, on se contente d'une inflexion des habitudes gouvernementales.

Pour la première fois, Québec réoriente d'importantes sommes dédiées au routier vers le transport collectif afin de s'attaquer à l'abyssal déficit d'entretien des équipements existants. Le geste n'a rien de flamboyant, il en est d'autant plus courageux.

Le gouvernement fait ainsi passer la part des investissements en transport dédiée uniquement au transport en commun de 21 à 27%, ce qui fait bondir les sommes allouées chaque année au maintien des actifs d'environ 600 à 900 millions, pour la période 2015-2020.

En plus d'être à coût nul pour l'État, ce geste répond à un besoin criant des sociétés de transport, la STM en premier lieu, dont le réseau craque de partout. On a beaucoup parlé du déficit d'entretien des ponts et chaussées jusqu'ici, mais celui-ci est minime en comparaison avec celui du transport collectif (33% des besoins routiers ne sont pas couverts, contre 65% pour le transport en commun).

Le gouvernement pare ainsi au plus urgent afin de maintenir la fiabilité du service existant. Il ne sert en effet à rien de prolonger la ligne bleue si on n'a pas d'argent pour éviter les pannes et l'effondrement de la station Jean-Talon...

Cela dit, il faut aussi le prolonger, ce métro, il faut ajouter des bus, des trains, de la fréquence. Il faut investir pour développer ce réseau qui déborde de partout à l'heure de pointe. On ne peut viser une «mobilité durable» en se contenant de réparer le toit qui coule dans les stations de métro. Cela est nécessaire, mais insuffisant.

On est en ce sens très loin de ce que demandent les sociétés de transport depuis des années, tannées de budgéter à la petite semaine: une source de financement dédiée, indexée et récurrente (taxe sur l'essence, immatriculation, péage, captation foncière, etc.).

Québec reconnaît ce besoin, il promet une hausse de 30% du service d'ici 2020, mais il y répond avec un... «chantier» de réflexion. Il peut bien qualifier ce chantier d'«ambitieux» si cela lui chante, il s'agit quand même d'une autre consultation visant à pousser plus loin une réflexion qu'on pensait aboutie: la région métropolitaine, qui n'a pas l'habitude d'être au diapason, réclame d'une seule voix une hausse de la taxe sur l'essence de 5 cents sur dix ans.

Qu'on remette le débat de structures à plus tard en lançant un énième chantier, passe encore. Il est plus important de répondre à une demande en forte croissance que de s'attaquer à l'administration.

Mais encore faut-il répondre à cette demande en forte croissance pour prétendre avoir fait un pas dans la bonne direction.

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