Le mérite des deux manifestes sur le pétrole québécois lancés ces derniers jours est d'attirer l'attention sur un enjeu d'une grande complexité. Mais ils démontrent aussi, par l'absurde, l'importance d'élever le débat au-delà des clichés et des raccourcis sur lesquels ils s'appuient tous deux...

Les partisans de l'exploitation semblent en effet avoir consulté Wikipédia pour étoffer un manifeste qui surévalue du double la production pétrolière de la Norvège et qui vante les efforts environnementaux d'un pays dont les émissions de gaz à effet de serre ont passablement augmenté.

Quant aux opposants, ils laissent entendre que l'exploitation ferait bondir la demande... tout en affirmant que les réserves pétrolières sont «surestimées» et ne répondront jamais plus qu'à quelques jours de consommation!

En un mot: chacun aborde l'enjeu par l'unique lorgnette de son parti-pris.

Or ce que prouve la lecture des deux manifestes, c'est l'importance de ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. L'exploitation ne réglera pas les problèmes financiers du Québec, pas plus que l'efficacité énergétique ne répondra aux besoins en énergie des Québécois.

Qu'on le veuille ou non, on aura encore besoin de pétrole dans 30 ans. Il importe donc d'agir à la fois sur la production ET la consommation. Il importe de profiter d'une exploitation locale pour limiter à la source les impacts de la production, tout en travaillant à réduire la consommation et ses impacts environnementaux.

Facile à dire, oui. Mais quatre rapports dévoilés la semaine dernière montrent qu'il n'y a là rien d'utopique. Produits par Switch, une alliance québécoise des milieux économiques, financiers et environnementaux en faveur d'une «économie verte», ces documents ouvrent la voie à une véritable réforme de la fiscalité québécoise dans le but de décourager les activités nuisibles sur l'environnement et d'encourager les activités désirables, tout en stimulant l'innovation.

Bien que les auteurs ne fassent pas de lien avec l'exploitation pétrolière, il est facile de voir comment l'«écofiscalité» ouvre la porte à un «beau risque vert»: donner l'aval aux projets pétroliers d'une main, et faire appel aux taxes environnementales, redevances et permis échangeables afin de limiter les dommages et de maximiser les retombées d'une exploitation.

«C'est la seule approche possible pour vraiment créer de la richesse, sur de bonnes bases, sans révolution immédiate et en agissant sur les problèmes environnementaux», croit Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal.

Il cite en ce sens le Danemark, un pays qui a réduit ses émissions polluantes et sa consommation d'énergie dans un contexte de croissance économique... tout en étant un exportateur net de pétrole. «Les Danois sont riches parce qu'ils ne disent pas non à une exploitation responsable de leurs ressources», dit-il.

Cela nous ramène aux bases du développement durable, un principe dont se gargarise tout le monde sans prendre en compte ses trois piliers: social, environnemental, économique. Un rôle qui revient du coup au gouvernement, dont la responsabilité est justement de s'assurer qu'une éventuelle production se fasse de manière responsable en équilibrant ces trois piliers.

Bref, entre un «oui» ex cathedra et un «non» catégorique, il existe une réponse plus pragmatique au pétrole québécois: «non, sauf si...»

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