Les astres s'alignent graduellement en vue de la construction du futur pont Champlain, dont la mise en service est prévue dans moins de neuf ans.

Lancé officiellement l'an dernier, ce projet piloté en solitaire par Ottawa n'était jusqu'ici qu'un dossier mené à toute vapeur, sans transparence, sans égard pour les habituels partenaires, le Québec, la région, la Ville.

Or la rencontre entre Pauline Marois et Stephen Harper, vendredi à Lévis, s'est conclue par la création d'une table de travail commune sur Champlain, ce qui permet enfin aux deux gouvernements de mettre le cap dans la même direction. Une très bonne chose.

En abordant ce projet au plus haut niveau politique, les deux premiers ministres ont ainsi franchi la première et la plus importante des trois phases nécessaires à un projet réussi: la collaboration, sans laquelle les deux prochaines étapes - la contribution et la conception - eurent été difficiles.

La «contribution», l'apport budgétaire de chacun, devient maintenant le principal enjeu à aborder. Qui paye quoi? D'où proviendront les fonds? Quel est le budget accordé à l'infrastructure? Au système de transport collectif? Et surtout, qu'implique l'ajout d'un péage sur ce pont?

En terme financier, par exemple, l'implantation d'un péage pour financer la totalité du pont serait «inéquitable», comme l'a souligné hier l'administration Applebaum. Pourquoi les Montréalais financeraient-ils des infrastructures ailleurs au pays, par leurs impôts, mais seraient obligés d'assumer seul le coût de remplacement de cette infrastructure fédérale?

Et en terme régional, l'ajout d'un péage unique aurait un effet domino sur toute la Rive-Sud que l'on doit envisager dès aujourd'hui. Si Champlain devient un détour pour les seuls automobilistes qui acceptent de payer leur passage, cela aura des conséquences désastreuses sur Mercier, Victoria et Jacques-Cartier. Ottawa ne peut donc imposer un péage unilatéralement, sans tenir compte des répercussions de sa décision.

La «conception», ensuite, dernière grande étape à franchir, vise à définir les paramètres technologiques du projet. La réflexion et les analyses sont en cours, mais elles devront rapidement aboutir si on souhaite faire autre chose qu'un banal pont de béton pour autos et camions.

Cela implique le choix d'un mode de transport rapide et efficace. L'AMT étudie actuellement trois scénarios (bus, bus rapides, train) et devrait, selon toute vraisemblance, opter pour le système léger sur rail. Mais cela coûte cher, d'où un nécessaire apport financier du fédéral, comme celui auquel ont eu droit Toronto, Ottawa et Calgary.

Et cela implique, enfin, le choix d'un design permettant de mettre en valeur cette porte d'entrée sur la métropole. La Ville a fait sienne l'idée proposée par l'Ordre des architectes de lancer un concours international d'architecture et d'ingénierie. Cela ne devrait pas faire augmenter de façon notable la facture du projet... à condition, bien sûr, qu'une décision soit prise suffisamment vite. Le fédéral osera-t-il le beau et fonctionnel, ou simplement l'utile?

Les questions sont nombreuses, elles deviendront vite épineuses. La collaboration entre Québec et Ottawa est donc de bon augure pour la suite des choses.

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