La Ville de Montréal a déposé hier un budget en hausse de 2,7%, lequel mise sur une hausse de 3,3% du compte de taxes des Montréalais.

Sans surprise, ce budget a été accueilli avec colère. Comment une administration accusée d'avoir inventé de toutes pièces des dépassements de coûts peut-elle avoir le culot d'en demander plus aux citoyens?

«Après des années de vol, a résumé Richard Bergeron, les Montréalais auraient plutôt dû bénéficier d'un gel de taxes.»

La réaction est certes compréhensible. Mais elle n'est pas raisonnable.

D'abord, rendons-nous à l'évidence. L'argent empoché par les bandits est de l'argent perdu, gaspillé, dilapidé. La Ville peut bien avoir payé 30% de trop pendant une décennie, elle ne reverra jamais la couleur de ces millions... et ne peut donc pas en faire profiter les citoyens.

Pourrait-on leur faire bénéficier des économies à venir, au moins? Pas plus. Une gestion serrée des contrats aurait beau se traduire en une baisse du coût des projets à venir, dès l'an prochain, cet argent n'apparaîtra pas dans les coffres de la Ville pour autant!

Il s'agirait en effet d'économies provenant de dépenses financées par emprunt sur de longues périodes. Cette soudaine marge de manoeuvre serait donc théorique en plus de s'appliquer au budget d'investissements, non pas au budget de fonctionnement. Piger dans l'un pour soulager l'autre, en plus d'être douteux sur le plan administratif, reviendrait en outre à creuser encore le sous-financement des infrastructures dont souffre Montréal.

Il est d'ailleurs plutôt étonnant d'entendre le chef de Projet Montréal suggérer de financer un gel de taxes en «arrêtant d'investir dans les infrastructures souterraines» jusqu'au dépôt des conclusions de la Commission Charbonneau. Déjà que ces investissements ont tardé pendant des décennies, souhaite-t-on vraiment les repousser de deux ans? Et ce, au risque de voir les canalisations éclater en hiver et ainsi, devoir revoir à la hausse les budgets d'urgence?

Ne reste donc, pour geler les taxes, que deux possibilités: réduire le taux de taxation ou réduire les dépenses courantes. Or la première serait pour le moins hasardeuse au moment où la demande immobilière se fait plus incertaine, estiment certains fiscalistes dont Danielle Pilette de l'UQAM, et la seconde serait très difficile à faire avaler aux contribuables.

Étant donné l'impossibilité de revenir sur les conventions collectives passées, Gérald Tremblay n'aurait d'autre choix que de hausser encore les tarifs ou couper les services. Il devrait ainsi diminuer les heures d'ouverture des bibliothèques, couper dans l'entretien des parcs ou encore, rogner dans les budgets d'arrondissements, des gestes inimaginables dans le contexte actuel.

Déjà que Montréal est affaibli par une crise de moralité, fragilisé par un contexte politique difficile et miné par un maire qui se cramponne malgré la gravité croissante des allégations qui le concernent, il serait irresponsable de tirer encore un peu plus la métropole vers le bas en coupant dans les services et investissements stratégiques.

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