La gauche sort ragaillardie du premier tour de l'élection présidentielle française. Quelques mois seulement après que le Sénat eut basculé de leur côté, les forces progressistes ont recueilli 44% des voix dimanche, leur meilleur résultat depuis des décennies.

Mais aussi impressionnant soit-il, ce score est loin de la majorité nécessaire pour que le socialiste François Hollande s'empare du pouvoir. Pour y arriver, pour déborder de son électorat «naturel», il devra relever un défi qui est, dans le fond, celui de la gauche aujourd'hui: prouver qu'elle est aussi compétente que la droite pour gouverner en temps de crise financière.

L'heure est en effet à l'austérité en Europe... et aux gouvernements de droite. Presque partout il est question de compressions, de rationalisation, de réduction de l'État. Presque partout, ces programmes sont mis de l'avant par des partis plus conservateurs.

La France pourrait donc faire exception si les socialistes prenaient le pouvoir, le 6 mai prochain. Mais la partie n'est pas gagnée, car François Hollande, comme la gauche en général, souffre d'un déficit de crédibilité fiscale... que la droite n'hésitera pas à entretenir pour effrayer l'électorat.

Déjà, des dirigeants d'entreprises ont menacé de quitter le pays advenant une prise de pouvoir des socialistes. Certains nantis ont aussi exprimé leur volonté de s'exiler. Des élus du gouvernement ont évoqué une «France à genoux». Et le président sortant a brandi l'épouvantail d'une économie en déroute qu'il prédit «deux jours» à peine après une accession au pouvoir des socialistes!

Pire, une révélation du quotidien Der Spiegel a fait état, pendant la campagne, d'une alliance des dirigeants de droite de la Vieille Europe, qui se seraient entendus pour ne pas recevoir chez eux le candidat socialiste. La nouvelle a été démentie, mais l'image d'une gauche mise au ban de l'Europe parce qu'incapable de prendre ses responsabilités en temps de disette s'est cristallisée... encore un peu plus.

Il est vrai que la volonté de débarquer Nicolas Sarkozy pourrait faire la différence ultimement, mais François Hollande ne peut se contenter de miser sur un rejet de son adversaire. Et pas seulement parce qu'une telle tactique pourrait lui jouer des tours (la droite a récolté 47% des suffrages).

François Hollande a en quelque sorte le devoir de démontrer que la gauche est capable d'être responsable sur le plan fiscal, qu'elle a autre chose à proposer que des taxes et des dépenses, qu'elle est en mesure de sortir de la crise tout en réduisant le poids des dettes publiques.

Les dernières années ont en effet montré que la gauche ne peut simplement attendre le pouvoir, en espérant que les dérapages du système financier joueront en sa faveur. Au contraire, c'est la droite qui en profite, d'où la nécessité de présenter une vision moderne du modèle social-démocrate. Précisément ce à quoi François Hollande devra s'atteler au cours des 15 prochains jours et, peut-être, des cinq années qui suivront.

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