Devoir attendre cinq ans d'ancienneté avant de pouvoir prendre une troisième semaine de vacances payée ? Patience, ça achève. À compter de l'an prochain, les Québécois auront droit à cette troisième semaine dès qu'ils auront accumulé trois ans de service continu auprès du même employeur. Cette semaine supplémentaire sera certainement bienvenue, mais il faudra plus que ça pour dissiper l'impression, ressentie par de nombreux travailleurs, de constamment manquer de temps.

Cette mesure, incluse dans le projet de loi libéral adopté en juin, peut sembler bien abstraite si vous bénéficiez de quatre, cinq ou six semaines de congé payées - peut-être même davantage, au point d'avoir du mal à vider votre banque de vacances.

Mais pour les Québécois ayant seulement droit aux deux semaines des normes minimales du travail, cette troisième semaine qui arrivera deux ans plus tôt ne sera certainement pas de refus. D'autant que les travailleurs, toutes catégories confondues, se sentent sous pression.

Plus de la moitié des Québécois occupant un emploi se disent tendus par le manque de temps, montrent les analyses de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Le fait que le Québec soit l'une des provinces (avec les Maritimes) où l'on trouve le plus de couples dont les deux parents travaillent à temps plein n'y est sûrement pas étranger.

Pas étonnant que l'expression « conciliation travail-famille » soit si à la mode. Le gouvernement Couillard a d'ailleurs tenu à l'inclure dans le titre à rallonge de sa mesure législative sur la troisième semaine de vacances (Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail).

Le texte contient effectivement des mesures visant à donner un peu plus de flexibilité aux travailleurs, et accorde deux journées payées par an à ceux qui doivent s'absenter en raison de certaines obligations familiales ou de certaines circonstances (maladie, accident, don d'organe, violence conjugale, acte criminel). C'est cependant loin d'être suffisant pour clore le sujet, car les besoins sont considérables.

Il faudra voir ce que les autres partis proposent en campagne électorale, sans toutefois perdre de vue la faisabilité des mesures évoquées.

Contrairement à beaucoup de promesses, qui doivent être financées par le Trésor public, la bonification des normes minimales du travail est assumée par des employeurs privés, le plus souvent des PME. Or, le devancement de la troisième semaine de vacances combiné aux autres mesuresde la loi qui représentent un gain financier pour les travailleurs coûteront environ 600 millions par an aux employeurs. Cela s'ajoute à l'augmentation du salaire minimum plus importante que prévu ce printemps. À court terme, les propositions qui auraient pour effet d'alourdir la masse salariale risquent donc de se heurter à une forte résistance.

Les travailleurs ont cependant un autre atout dans leur manche : la pénurie de main-d'oeuvre. Les employeurs qui ont de la difficulté à recruter ou à garder leur personnel n'ont pas le choix de s'interroger sur leurs conditions de travail.

Ça implique évidemment des efforts, mais pas nécessairement des dépenses supplémentaires. Près des trois quarts des répondants à une étude exploratoire menée l'an dernier auprès de PME et d'autres organisations québécoises de petite taille ont indiqué que les mesures de conciliation travail-famille implantées chez eux s'étaient faites à coût nul.

Les vacances, c'est agréable, mais il faut s'assurer que les autres semaines, qui occupent la majeure partie de l'année, le soient aussi.

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