Satisfaits de leur nouvel accord-cadre avec la Chine, qui leur permet de déclarer une trêve commerciale mais pour lequel tout le travail reste à faire, les États-Unis semblent maintenant disposés à prendre le temps qu'il faudra pour la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ce n'est pas de refus.

Un sentiment d'urgence chasse l'autre.

Le Canada, les États-Unis et le Mexique allaient-ils réussir à s'entendre avant la date butoir du 17 mai ? Après des semaines de spéculations et de déclarations contradictoires, l'échéance de jeudi dernier est finalement passée sans grand émoi et deux jours plus tard, il n'en était même plus question. Depuis samedi, c'est la Chine qui est au coeur des préoccupations de l'administration Trump.

« Nous mettons la guerre commerciale sur pause », a confirmé le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, au sujet de la déclaration commune diffusée par les États-Unis et la Chine la veille.

Les deux parties se sont officiellement entendues sur un cadre de travail, afin que la Chine achète davantage des États-Unis, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de l'énergie, et protège mieux la propriété intellectuelle.

Les gains réalisés par Washington ne sont pas encore clairs. Ce sera sûrement beaucoup moins que les 200 milliards de dollars américains évoqués vendredi dernier, un chiffre que beaucoup d'observateurs jugent franchement irréaliste. Et le gouvernement chinois n'en est pas à ses premières promesses. Les deux poids lourds ont cependant mis de côté leur surenchère de tarifs douaniers débile qui menaçait d'empoisonner leurs deux économies et, par ricochet, celles de nombreux autres pays d'Asie, d'Europe et d'Amérique latine. Au moins, l'humeur n'est plus à l'affrontement stérile. C'est un développement qui ne peut être vu que d'un bon oeil.

Du coup, le ton a aussi baissé au sujet de l'ALENA. « Le président est plus déterminé à obtenir un bon accord que préoccupé par quelque date butoir que ce soit », a précisé le secrétaire au Trésor Mnuchin au réseau Fox dimanche.

On ne peut jurer de rien, Donald Trump pourrait toujours se fendre d'une nouvelle déclaration incendiaire entre le moment où nous écrivons ces lignes et celui où vous les lirez. 

Pour l'instant, toutefois, le ton est encourageant, certainement plus que les menaces, maintes fois répétées, de sortir les États-Unis de l'accord.

Le secrétaire au Trésor a d'ailleurs continué sur cette lancée lundi. Bien que Washington cherche toujours à négocier un accord complet qui serait soumis au Congrès, « nous pourrions facilement penser à une entente allégée ("skinny deal") comme solution de rechange, et c'est une chose que le président peut envisager », a-t-il déclaré au réseau CNBC, lundi.

Ne comptons pas trop sur la recette minceur. La dernière fois que le président Trump a parlé de faire seulement « quelques ajustements » avec le Canada, les États-Unis sont revenus avec une liste de demandes insensées. N'empêche, ce climat général d'ouverture est plus que bienvenu. Pendant ce temps, les équipes de négociation peuvent poursuivre leur travail de fond en paix, sans que l'ALENA soit apprêté à toutes les sauces et mis en vitrine pour satisfaire les appétits populistes.

Évidemment, on n'a pas intérêt à laisser traîner les choses non plus, car cette renégociation crée un climat d'incertitude qui refroidit les ardeurs des entreprises. Sauf que personne n'a jamais cru sérieusement qu'un accord de cette envergure puisse être réécrit en trois coups de cuillère à pot. L'opération aurait certainement fait moins de dégâts si les États-Unis n'avaient pas essayé de créer un sentiment d'urgence en multipliant les dates butoirs.

Conclure un nouvel accord très vite, à temps pour obtenir l'approbation du Congrès, devancer les élections présidentielles au Mexique ou affronter les élections de mi-mandat, ce sont des préoccupations essentiellement américaines. Le Canada, lui, s'accommode très bien de l'accord existant qui, aussi imparfait soit-il, l'a très bien servi depuis près d'un quart de siècle.

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