Croulant sous les demandes d'entreprises en quête de gros volumes d'électricité pour faire du minage de cryptomonnaies, Hydro-Québec et le gouvernement doivent s'organiser pour tirer réellement profit de cette demande. Et ils ne peuvent pas se permettre de traîner trop longtemps.

En apparence, c'est un beau problème. Québec a des surplus d'électricité à ne plus savoir quoi en faire, et plus d'une centaine d'entrepreneurs veulent lui en acheter des quantités importantes pour faire rouler leur équipement informatique.

En réalité, c'est un casse-tête. Les demandes reçues totalisent plus de 10 000 mégawatts (MW), dit-on chez Hydro. Non seulement cela dépasse la capacité existante, mais la société d'État n'est pas équipée pour bien gérer la situation à l'intérieur de ses paramètres actuels.

Québec et Hydro ont donc bien fait d'appuyer sur le bouton pause pour trouver comment faire face à cette demande à la fois subite et incertaine. Des scénarios sont à l'étude, indique-t-on de part et d'autre. Les parties sont avares de détails, mais puisqu'on ne peut pas répondre à toute la demande et, donc, qu'il va falloir choisir, il nous paraît évident que le Québec doit se donner les moyens de faire les meilleurs choix.

Trouver un prétexte fallacieux pour rejeter toutes ces demandes en bloc n'est pas une solution.

Avec tous les efforts qu'Hydro-Québec déploie pour attirer des clients pour ses surplus d'électricité, il serait stupide de lever le nez sur des acheteurs qui lui arrivent tout cuits dans le bec. Il faut plutôt voir comment profiter de cette occasion pendant qu'elle passe. Pour cela, il faut s'assurer de contrôler les paramètres importants, en commençant par déterminer un volume d'électricité raisonnable pour cette activité (un bloc bien en deçà de 1000 MW, peut-être plus près 500 MW, serait envisagé), puis comment le répartir.

Bien que ces fermes d'ordinateurs et de serveurs puissent être exploitées avec très peu de personnel, la création d'emplois sera un critère très important dans l'appel de propositions, nous dit-on.

Il faudrait cependant éviter de s'enfermer dans une vision trop étroite et trop rigide du développement économique. Un projet qui nécessite peu d'employés, mais reprend des bâtiments industriels désaffectés pourrait être très désirable pour une petite municipalité. Il faudra en tenir compte.

Par contre, sur l'idée de demander un tarif plus élevé, qui a d'ailleurs déjà été évoquée par le ministre de l'Énergie, il n'y a pas à hésiter : les entreprises sérieuses qui nous voient comme un nouveau Klondike seraient sûrement prêtes à payer plus que l'actuel tarif LG d'environ 0,05 $ le kilowattheure (kWh).

Certes, le minage de cryptomonnaies est hautement volatil. Mais dans la mesure où les entreprises n'ont accès qu'à une fraction des surplus et payent leurs frais de raccordement au réseau, les risques liés à leur avenir sont plutôt limités.

Reste à protéger Hydro contre le risque climatique, c'est-à-dire l'obligation d'importer de l'électricité à gros prix pour alimenter ces clients voraces durant les périodes de pointe hivernales. L'idéal serait de pouvoir les délester, mais si jamais ce n'était pas possible, il faudra trouver le moyen de leur refiler la facture afin d'éviter de leur vendre à perte.

Le risque le plus pressant, toutefois, c'est celui auquel Hydro-Québec s'expose en ne donnant pas de réponse à ces demandes. L'espèce de moratoire annoncé en début d'année ne pourra pas durer indéfiniment. Hydro, qui est en situation de monopole, est en principe tenue de fournir de l'électricité à ceux qui lui en font la demande au Québec. Il ne faut pas attendre qu'une grosse entreprise de minage entame un recours contre la société d'État pour l'obliger à lui vendre de l'électricité ! Le gouvernement doit se brancher, et rapidement.

Photo Lars Hagberg, Agence France-Presse

Spécialisée dans le minage de cryptomonnaies, l'entreprise Bitfarms a élu domicile dans la ville de Saint-Hyacinthe.

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