Vous avez l'impression, lorsque vous entrez dans une succursale ou appelez le service à la clientèle de votre banque pour régler un problème, que le préposé essaie toujours de vous vendre un produit ou service supplémentaire ? Vous ne rêvez pas.

La culture bancaire qui pousse les employés à la vente augmente les risques d'abus, et les contrôles mis en place à l'interne pour réduire ces risques sont insuffisants, confirme l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).

L'agence, on s'en souvient, a déclenché un vaste examen des pratiques bancaires il y a un an, en réaction à une enquête du réseau anglais de Radio-Canada. Au moyen d'une caméra cachée, l'émission Go Public avait montré un commis offrant des produits trop chers, non sollicités ou sans en mentionner les frais. Le reportage portait sur la Banque TD, mais l'émission avait ensuite reçu une avalanche de témoignages d'employés et ex-employés d'autres institutions.

L'agence fédérale, qui a rencontré plus de 600 employés, étudié plus de 4500 plaintes et épluché plus de 100 000 pages de documents des six grandes banques canadiennes*, n'a pas dissipé le malaise.

L'organisme, il faut le préciser, n'a pas trouvé de pratiques abusives généralisées ni de problèmes à grande échelle.

Mais les exemples cités dans son rapport rappellent que les consommateurs ne doivent pas se fier aveuglément à ce que les employés de banque leur disent.

« L'individu ne peut pas présumer que la personne avec qui il est assis à la banque est là pour sauvegarder ses intérêts », souligne la commissaire adjointe de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, Brigitte Goulard.

Notons qu'on ne parle pas ici de placements, qui sont soumis à une réglementation distincte, mais uniquement de produits et services bancaires (comptes, cartes et marges de crédit, hypothèques et autres prêts, etc.). Pour ces derniers, les banques sont tenues de divulguer les coûts et les frais, et d'obtenir le consentement du client. La loi ne les oblige cependant pas à lui vendre le produit qui lui convient le mieux, ni à se demander s'il est souhaitable pour lui d'avoir accès à plus de crédit.

Les consommateurs devraient garder cette réalité en tête, mais ce n'est pas toujours facile, car certains produits sont complexes. Ils n'ont alors pas le choix de demander des éclaircissements aux employés. Ceux-ci, malheureusement, ne sont pas infaillibles. Certains, par exemple, ont donné des informations incorrectes et incomplètes à l'ACFC sur l'assurance crédit.

Non seulement le modèle de rémunération n'incite pas toujours l'employé à en faire assez pour évaluer les besoins et objectifs du client et à en tenir compte, mais dans certains cas, il risque même de l'en dissuader, prévient aussi l'agence.

Elle cite les spécialistes hypothécaires qui se rendent à domicile, dont les commissions peuvent dépendre du taux, de la durée, et du montant des prêts... et que les banques surveillent généralement moins que leurs autres vendeurs.

L'ACFC recommande plusieurs mesures aux banques pour améliorer la surveillance et le contrôle de leurs pratiques de vente, et promet de les suivre de plus près. Pour qu'elle puisse sévir, toutefois, il faut qu'il y ait infraction aux lois et règlements. Or, le besoin de resserrement se fait sentir là aussi.

On n'a qu'à penser à l'assurance crédit, pour laquelle le consentement à une période d'essai gratuite ou remboursable de 30 jours se transforme automatiquement en consentement au service payant lorsque le client n'entreprend pas les démarches pour annuler la police. Cette période d'essai étant utilisée comme argument de vente, les banques devraient avoir l'obligation d'obtenir un consentement explicite après 30 jours.

Le ministre des Finances Bill Morneau avait promis, en décembre 2016, de revenir avec un nouveau projet de loi distinct sur les institutions financières. Il devrait faire preuve de leadership, et y inclure des mesures qui amélioreront réellement la protection des consommateurs.

* Banque de Montréal, Banque de Nouvelle-Écosse, Banque Canadienne Impériale de Commerce, Banque Nationale du Canada, Banque Royale du Canada et Banque Toronto-Dominion.

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Dans les coulisses des banques

Voici des pratiques découvertes dans le cadre de l'enquête

1- Lorsqu'un consommateur se rend en succursale ou communique avec un centre d'appels, l'écran de l'employé de banque peut afficher jusqu'à une dizaine de suggestions de produits et services pour ce client.

2- Les employés ont souvent des cibles à atteindre par rapport aux pistes générées par l'ordinateur - carte de crédit avec primes voyages, marge de crédit, hausse de la limite de crédit, protection en cas de découvert, assurance crédit, etc.

3- Une banque peut demander que 30 % des produits de crédit soient vendus avec une assurance crédit, ce qui augmente le risque que l'employé propose le produit avec insistance même si celui-ci ne répond pas aux besoins du consommateur.

4- Un employé peut dire que « la carte de crédit vient avec une assurance solde », donnant l'impression que l'assurance est rattachée à la carte de crédit, alors qu'il s'agit d'un produit distinct et optionnel.

5- Dans les centres d'appels où chaque employé traite 1400 appels par mois, seulement quatre de ces appels sont examinés à des fins d'assurance qualité. Et ils sont généralement sélectionnés de façon aléatoire, et non en priorisant les produits les plus à risque, comme l'assurance solde de carte de crédit.

Source : Agence de la consommation en matière financière du Canada, Examen des pratiques de vente au détail des banques canadiennes, 20 mars 2018

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