Air Transat versera finalement plus de 600 000 $ à ses passagers coincés sur le tarmac de l'aéroport d'Ottawa l'été dernier. Tant mieux, mais quelle galère pour en arriver là ! La charte des voyageurs promise par le fédéral pourrait nous épargner ce genre de mauvais feuilleton... quand elle sera enfin adoptée. Si cela tarde trop, le ministre des Transports devra envisager une autre stratégie.

Enfermés durant des heures dans la chaleur étouffante de leur avion cloué au sol, manquant d'eau, de nourriture et, même, d'électricité : les quelque 600 passagers des vols 157 et 507 ne s'attendaient pas à une telle épreuve en revenant d'Europe le 31 juillet dernier.

Il a fallu que l'un d'eux appelle le 911, et que d'autres dénoncent la situation, pour que l'Office des transports du Canada (OTC) fasse enquête, tienne une audience publique et rende une décision qui mette le transporteur à l'amende, le force à modifier ses pratiques et à verser un dédommagement minimal à certains passagers.

Air Transat, qui avait d'abord nié toute responsabilité, en a finalement fait un peu plus que prescrit par l'OTC.

L'indemnité pour les dépenses des passagers retardés (taxi, hôtel, etc.) sera étendue à ses quatre vols immobilisés à Ottawa, et non aux deux seuls visés par l'enquête.

Le dédommagement, que l'OTC lui permet d'offrir aux passagers au lieu de lui verser une amende, sera aussi étendu aux quatre vols. À 500 $ par personne, il totalisera environ 600 000 $, soit le double de l'amende imposée par l'OTC (295 000 $).

Plusieurs clauses du contrat avec les passagers (le fameux tarif) devront aussi être bonifiées.

Ce n'est pas le pactole, mais dans le contexte canadien, où les transporteurs déterminent eux-mêmes les règles et exemptions de leurs tarifs, et où l'OTC n'en a pas réprimandé un là-dessus depuis au moins cinq ans, cette décision a le mérite d'envoyer un message clair. 

Circonstances exceptionnelles ou pas, le transporteur aurait dû faire mieux pour ses clients. Qu'il faille déployer tant d'efforts pour en arriver à une telle évidence n'a cependant aucun sens. La durée d'un retard, et les obligations qui en découlent, est le type d'événement qu'on a tout avantage à codifier dans une charte des voyageurs. Non seulement cela simplifie les réclamations, mais cela incite les entreprises à s'organiser pour ne pas en avoir.

Hélas, la charte promise par le ministre Garneau se fait attendre. Le projet de loi C-49 contenant ce «régime de droit des passagers aériens» est passé aux Communes, mais les sénateurs ne l'ont pas encore adopté. Et franchement, on pourrait difficilement les blâmer. Ce projet de loi englobe de nombreux autres changements dans les transports, dont au moins un, l'installation d'enregistreurs audio-vidéo à bord des locomotives de tête, soulève d'importantes questions. De grands syndicats, dont les Teamsters et Unifor, dénoncent le texte actuel qui, en permettant aux employeurs d'avoir accès à une partie des images, constituerait selon eux une violation de la vie privée.

Ces enregistreurs répondent à une demande de longue date du Bureau de la sécurité des transports (BST), qui en a besoin pour ses enquêtes. Le gouvernement a donc raison de les imposer, mais peut-être devrait-il justement réserver ces données à l'usage du BST. Quoi qu'il en soit, l'ajout de caméras en milieu de travail n'est jamais un sujet banal - on l'a vu ici dans les CHSLD. Peut-être vaudrait-il mieux extraire ce volet du projet de loi pour l'examiner séparément. Ou sinon, extraire la charte des voyageurs pour qu'elle puisse être adoptée rapidement. Ce n'est pas l'intention du ministre en ce moment, mais si son C-49 reste cloué au sol à Ottawa, il devra envisager des solutions de rechange.

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