Sans surprise, le Comité d'experts sur le revenu minimum garanti mandaté par Québec déconseille au gouvernement d'implanter une allocation universelle. Son rapport soulève néanmoins des points intéressants qui méritent d'être entendus.

« Ton but final est d'y parvenir, mais n'écourte pas ton voyage : mieux vaut qu'il dure de longues années », lit-on dans le texte d'introduction.

Un poème intitulé Ithaque, d'un auteur grec* traduit par Marguerite Yourcenar, en ouverture d'un rapport présenté conjointement aux ministres des Finances et de l'Emploi ?!

Les trois universitaires membres du comité ont emprunté un détour passablement lyrique, mais sur le fond, le propos se défend : même si le revenu minimum garanti n'est pas un objectif réaliste à court terme, il peut servir d'inspiration.

Remplacer les programmes d'aide financière actuels par une allocation universelle entraînerait, selon leurs calculs, « d'importants problèmes d'équité, d'incitation au travail ou d'acceptabilité sociale ». D'autres avenues mériteraient cependant d'être explorées.

Leur idée de bonifier la prime au travail, par exemple, nous paraît nettement plus porteuse que la hausse des prestations d'aide sociale qu'ils proposent.

La création d'un programme d'aide temporaire, qui permettrait aux demandeurs de conserver des biens (dont leur résidence principale) d'une valeur plus élevée que ce qui est actuellement prévu pour l'aide sociale, devrait aussi être envisagée sérieusement. Un filet social doit aider ses bénéficiaires à rebondir après un coup dur, et non les piéger dans ses mailles.

Le concept de « compte personnel pour la formation et la transition » gagnerait aussi à être développé. Convaincre entreprises et travailleurs de participer à son financement ne sera pas facile, mais au rythme où le marché du travail se transforme, les besoins de recyclage et de perfectionnement vont devenir de plus en plus pressants. Un tel compte individuel, dont le comité recommande de confier les rênes aux travailleurs, aiderait à développer le réflexe de la formation continue.

Les auteurs le reconnaissent d'emblée : leurs recommandations sont basées sur des simulations, et non sur des analyses comportementales, difficilement réalisables dans le cadre de leur mandat.

Raison de plus, s'il en fallait, de se garder une petite gêne au sujet de l'allocation universelle. Il serait irresponsable, pour un État doté d'un système de soutien du revenu aussi complexe que celui du Québec, de tout démanteler sur la seule base de calculs théoriques.

Heureusement, plusieurs administrations, dont l'Ontario voisin, ont lancé des projets- pilotes pour expérimenter des modèles de revenu minimum. Certes, les résultats prendront du temps à arriver, mais c'est le seul moyen d'obtenir un aperçu un tant soi peu éclairant. Autant se faire à l'idée :  ce territoire-là nous est complètement inconnu, et l'exploration avance au rythme d'un pédalo. On en a pour des années.

*Constantin Cavafy

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion