Au-delà de la controverse qu'elle suscite, l'entente de principe entre Québec et le syndicat des omnipraticiens contient un élément important qui mérite d'être souligné : une évaluation indépendante de l'écart allégué entre les médecins de famille québécois et leurs homologues ontariens. C'est sur cette base que sera déterminée une partie de la hausse après le 1er avril 2019, montre le résumé de l'entente que nous avons consulté. Une approche qui aurait dû être adoptée depuis longtemps.

Un traitement fondé sur des données rigoureuses et indépendantes... C'est ce que la profession médicale offre à ses patients, et c'est ce qu'on devrait lui offrir en matière de rémunération. Ça n'a jamais été le cas au Québec. Les augmentations accordées sous prétexte de combler l'écart avec les autres provinces n'ont pas été calculées en fonction des éléments qui auraient dû être considérés - le travail effectué, le coût de la vie, les budgets disponibles, par exemple.

Cette absence de rigueur a mené aux résultats que l'on sait - un « rattrapage » dont se demande, dans le cas des spécialistes, s'il n'est pas plutôt devenu un dépassement et, dans celui des omnipraticiens, s'il a vraiment été complété.

Pour la première fois, les parties semblent déterminées à aller au fond des choses. Un mandat a été confié à l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), un organisme indépendant qui mène les analyses les plus poussées sur les systèmes de santé des provinces. Le revenu annuel moyen sera comparé selon trois approches, et les actes tarifés, ainsi que d'autres aspects, comme la charge de travail et les dépenses de santé de chaque province, seront mesurés. Le rapport est attendu dans un an. Il faudra voir si tous les facteurs importants sont pris en considération, mais le fait que ce soit sur cette base indépendante que les négociations se poursuivront est déjà un net progrès.

Si l'idée d'un certain rattrapage était, à l'origine, justifiée, Québec n'aurait jamais dû se lancer là-dedans à l'aveuglette, sans connaître avec précision cet écart qu'il se proposait de combler à coups de centaines de millions de dollars. Il était évident qu'en procédant de la sorte, le résultat, lui, serait impossible à justifier. On en voit les conséquences aujourd'hui, alors qu'il est devenu impossible de parler de rémunération des médecins sans provoquer un tollé.

La complexité des ententes, avec leurs hausses d'enveloppe globale qui se traduisent par des augmentations de revenus différentes d'un individu à l'autre, et leurs fréquents retours sur le passé, ajoute à la confusion. Une partie des sommes supplémentaires auxquelles les omnis auront droit si cette entente est adoptée ne sont pas de nouvelles augmentations, mais des sommes que le gouvernement avait déjà consenties. Le syndicat y gagne parce qu'une partie de cet argent sera disponible plus tôt, avant les prochaines élections, mais le Trésor aussi, en obtenant que le reste soit réparti sur une plus longue période.

Québec a aussi jugé que pour l'État, « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ». Il a récupéré la fameuse clause remorque (qui garantissait aux omnis la même augmentation de base qu'à la fonction publique) en échange de deux promesses, soit une augmentation de 2,4 %, et l'évaluation des écarts allégués par les omnis. L'écart avec l'Ontario, on l'a vu, est en bonne voie d'être chiffré. L'étude de l'écart avec les spécialistes, elle, commencera seulement dans deux ans, selon des paramètres qui restent à préciser.

« Je ne pense pas qu'on ait avantage à aller discuter de ce que contient cette entente sur la place publique compte tenu du climat général qui existe actuellement », a déclaré le président de la Fédération des médecins omnipraticiens, Louis Godin, dans une présentation à ses membres.

Les premières réactions lui ont malheureusement donné raison. C'est à se demander s'il est encore possible pour Québec de conclure une entente avec ses médecins. Si l'iniquité dénoncée par les omnis est démontrée, comment financeront-on ce rattrapage ? Va-t-on aussi comparer les spécialistes québécois avec leurs homologues ontariens pour voir s'il y a des sommes accordées en trop à récupérer ? Imposer un partage des tâches accru avec les infirmières et les autres professionnels pour réduire la facturation des médecins ? Si le gouvernement Couillard veut faire passer cette entente, il va devoir la justifier.

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