Bâtiments vétustes, locaux en piètre état, maintien des actifs déficitaire... La première grande tournée d'inspection du ministère de la Santé et des Services sociaux confirme l'impression générale : le parc immobilier du réseau n'est pas reluisant. Le Québec aura-t-il le courage d'y faire face ?

« Le plus grand enjeu du système de la santé, ce n'est pas la première ligne, qui est en train de se régler, ce sont les infrastructures. Ça devient un problème sociétal », nous a déclaré le ministre de la Santé Gaétan Barrette en marge de l'inauguration du nouveau Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), dimanche.

Le portrait complet, le premier réalisé en fonction des normes gouvernementales, sera terminé d'ici la fin de l'année, mais avec plus de 1700 bâtiments inspectés (70 % de la superficie du parc immobilier), on a déjà une bonne idée de l'état des lieux.

Près du quart de ces bâtiments ont plus de 60 ans. Les espaces en mauvais ou en très mauvais état n'y sont pas rares, mais on en retrouve aussi dans des immeubles de 11 à 20 ans d'âge. Et malgré les échafauds qu'on voit partout, le réseau accuse un déficit d'au moins 436 millions dans le maintien de ses actifs.

Or, il y a un coût à retarder les investissements requis. Oui, un immeuble dont l'état est jugé bon ou satisfaisant nécessite des travaux qui peuvent causer des ralentissements ou des interruptions de service à l'occasion. Sauf que dans un immeuble classé en mauvais ou très mauvais état, ces perturbations surviennent souvent, voire très souvent. Si le réseau d'Hydro-Québec était entretenu comme celui de la santé et des services sociaux, on aurait des pannes à tout bout de champ.

Le CHUM, le CUSM et la modernisation de Sainte-Justine ne sont pourtant pas du luxe. Tous les patients n'ont pas besoin de cette médecine surspécialisée, mais lorsque leur maladie le requiert, ils s'attendent à y avoir accès. Et au-delà des équipements aux allures futuristes, c'est l'aménagement des lieux qui frappe dans un immeuble neuf comme le CHUM. De la lumière naturelle, des chambres individuelles équipées chacune de leur salle de bains privée et d'un fauteuil transformable en lit de camp pour qu'un proche puisse passer la nuit, ce devrait être la base dans un endroit où l'on va pour guérir - et non pour aggraver son cas en contractant une infection nosocomiale.

Le contraste avec d'autres hôpitaux*, où personnel et patients doivent composer avec des espaces étriqués, voire décrépis, est choquant. Les budgets actuels permettent de dégager seulement 200 millions par an pour de nouveaux investissements dans l'ensemble du réseau, alors qu'il en faudrait 800 millions, estime le ministre. Que faire ? Gaétan Barrette voudrait que Québec planifie le maintien de son parc immobilier sur un calendrier correspondant au cycle de vie des bâtiments, soit environ 60 ans.

Grosse commande ! En plus d'investir massivement pour rattraper le retard, il faudrait apprendre à voir les bâtiments comme le CHUM d'un autre oeil - non pas comme une affaire réglée, mais comme une infrastructure dont il faut commencer à prévoir, et budgéter, le renouvellement dans 50 ou 60 ans. Tout un changement de culture dans ce réseau où l'on a rogné sur l'immobilier, et où les investissements dépendent du bon vouloir des politiciens.

Le ministre Barrette réussira-t-il à convaincre ses collègues du Conseil des ministres et, surtout, la population, de l'importance de sa nouvelle priorité ? Ce n'est pas gagné, mais dans l'état actuel du réseau, des cas comme le bloc opératoire de l'hôpital Charles-Le Moyne, dont Le Journal de Montréal rapportait les problèmes d'infiltrations d'eau et d'insectes la semaine dernière, sont appelés à se multiplier. Que ça nous plaise ou non, les infrastructures vont s'imposer dans le débat.

* D'autres bâtiments, dont des CHSLD, sont problématiques, mais les hôpitaux représentent à eux seuls plus du tiers du déficit de maintien d'actifs.

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