«Je pense que nous allons finir par mettre fin à l'ALENA», a lancé le président américain mardi soir à Phoenix, en Arizona. Encore ? Cette déclaration de guerre commerciale qui ressurgit à peine deux jours après la première séance de négociations n'a rien d'encourageant, on en convient. Toutefois, c'est exactement le genre de sortie devant laquelle les Canadiens doivent apprendre à garder leur calme et à ne pas sauter aux conclusions.

C'est malheureux à dire, mais tout se passe comme prévu. Casser du sucre sur le dos de cet accord s'est avéré une recette extrêmement payante pour Donald Trump ; ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne la resserve.

«Nous allons peut-être vivre des moments dramatiques», avait d'ailleurs prévenu la ministre des Affaires étrangères juste avant les négociations. Et Chrystia Freeland ne faisait que répéter une mise en garde maintes fois entendue depuis l'élection américaine : évitons de nous affoler à la moindre sortie, car il risque d'y en avoir pas mal durant cette renégociation.

Évidemment, il ne faut pas être naïf. Le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer l'a dit d'entrée de jeu : il ne cherche pas à faire quelques ajustements, mais des gains majeurs. Le fédéral a beau répéter que cet accord vieux de 23 ans a grand besoin d'être modernisé et évoquer de possibles gains, reste que le Canada a beaucoup à perdre de la réouverture de cette entente.

Mais que ça nous plaise ou non, la partie de bras de fer est engagée et elle s'annonce longue. Il y a intérêt à ne pas se laisser distraire.

Quels intérêts Donald Trump sert-il avec cette déclaration à l'emporte-pièce? D'abord et avant tout, les siens. Son discours de mardi soir, plus électoral que présidentiel, s'adressait à sa base, et partant de là, l'ALENA devenait une cible incontournable, au même titre que les migrants, les médias ou l'Obamacare. Les négociateurs américains, eux, n'avaient pas besoin de cette intervention, mais un geste susceptible de déstabiliser l'adversaire n'est jamais à dédaigner. À nous de ne pas faire leur jeu et de ne pas leur permettre de marquer des points si facilement.

Le gouvernement Trudeau, heureusement, n'a pas bronché devant ce coup de gueule. Espérons que les provinces, régions et industries qui dépendent de l'ALENA auront la sagesse de faire de même.

L'importance de sauvegarder cet accord fait l'objet d'un très large consensus de ce côté-ci de la frontière, ce qui est un net avantage pour le Canada. (Les États-Unis, tiraillés entre les fétichistes du protectionnisme, les adeptes du libre-échange et tous ceux qui balancent entre les deux, sont loin d'être en terrain aussi solide.) Se comporter comme si tout était déjà perdu, en se mettant à tirer chacun de son côté dans l'espoir de sauver ce qui peut l'être, ne ferait qu'affaiblir la position canadienne. Ce serait la pire chose à faire en ce début de renégociation.

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