Facebook a franchi le seuil des deux milliards d'utilisateurs. Google détient la part du lion des recherches sur l'internet. Rien ne semble arrêter la croissance phénoménale de ces géants du numérique. Sauf que leur emprise, justement, suscite de plus en plus de résistances. La plupart du temps, ce sont les tribunaux qui les forcent à reculer, mais il arrive qu'eux-mêmes jugent dans leur intérêt de faire marche arrière.

La Commission européenne (CE) vient d'infliger une amende record de 2,4 milliards d'euros (environ 3,6 milliards dollars canadiens) à Google pour pratiques anticoncurrentielles et abus de position dominante. Le moteur de recherche internet est accusé de mettre en vedette les résultats de Google Shopping au détriment des services de comparaison de prix concurrents. En étant moins visibles, ceux-ci attirent moins de consommateurs et, donc, moins de revenus publicitaires. «Et surtout, [Google] a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services», a souligné la commissaire chargée de la politique de concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué mardi.

Hier, c'est la Cour suprême du Canada qui a ordonné à Google de retirer certains sites web de ses résultats de recherche partout dans le monde, confirmant ainsi une injonction interlocutoire de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Les sites en question sont au coeur d'une poursuite où des individus sont accusés de commercialiser des éléments de propriété intellectuelle appartenant à une petite entreprise techno.

Et vendredi dernier, c'est Facebook qui s'est fait remettre à sa place par la même Cour suprême. Le plus haut tribunal du pays a autorisé un recours collectif au nom de quelque 1,8 million de résidants de la Colombie-Britannique dont le nom ou l'image aurait été utilisé sans consentement dans un format publicitaire appelé «actualités commanditées» (sponsored stories).

Facebook voulait obliger la plaignante canadienne à passer par les tribunaux californiens, puisqu'elle y avait consenti en acceptant ses conditions d'utilisation. Des «considérations liées à l'intérêt public militent fortement en faveur de l'existence de motifs sérieux de ne pas donner effet à la clause», a objecté la Cour suprême.

Même si Facebook et Google se voient comme des multinationales étrangères évoluant dans un univers numérique parallèle, elles sont tout de même soumises aux lois des territoires où elles font affaire, ont rappelé ces tribunaux.

Évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Il y aura, selon les cas, appel, ou recours devant d'autres instances. N'empêche, ces victoires font plaisir à entendre, d'autant qu'elles se font désirer. L'enquête de la CE contre Google a été ouverte il y a sept ans. D'autres activités d'Alphabet, société-mère de Google, sont encore sous examen à la Commission, et celle-ci a conclu à l'abus de position dominante dans au moins deux autres cas.

La décision la plus éloquente est cependant venue de Google elle-même vendredi dernier. Vous avez une adresse Gmail gratuite? Google cessera bientôt d'utiliser le contenu de vos courriels pour cibler la pub qu'elle vous montre, a annoncé la société sur l'un de ses blogues. Pourquoi? Parce que c'est mauvais pour les affaires.

Ce n'est pas dit en ces termes, mais c'est tout comme. Google, qui mise beaucoup sur ses services aux entreprises, n'a jamais ciblé les comptes Gmail payants. Sauf que cette pratique intrusive, bien connue des utilisateurs de sa messagerie gratuite, crée de la confusion chez les clients commerciaux a laissé entendre la vice-présidente principale de Google Cloud.

En apparence, ça ne change pas grand-chose. Les utilisateurs de la messagerie gratuite se feront encore proposer de la pub, et même de la pub ciblée - en fonction de leurs activités sur d'autres services, comme la recherche ou YouTube. Mais c'est un aveu de taille de la part de Google, qui reconnaît ici qu'il y a des limites à exploiter la vie privée des gens.

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