Le ministre des Finances Bill Morneau a laissé beaucoup de questions en suspens dans sa copie annuelle. Certaines réponses sont promises pour bientôt, mais dans d'autres cas, le silence ressemble plus à de l'évitement qu'à du suspense.

Un ministre des Finances n'a pas l'obligation de répondre à toutes les rumeurs, mais il y a des sujets où laisser libre cours aux suppositions contribue à les alimenter. Le taux d'inclusion des gains en capital en est un bon exemple.

Beaucoup d'entreprises et de contribuables ont poussé un soupir en voyant que seule la moitié des gains en capital nets réalisés continuerait à être incluse dans le calcul du revenu - et non les deux tiers ou les trois quarts, comme le voulait la rumeur. Rien, toutefois, ne permet de conclure que ce scénario soit écarté.

« Les Canadiens s'attendent à ce que le régime fiscal soit équitable. Notre gouvernement s'est engagé à prendre des mesures à cet égard, et nous en aurons plus à dire à ce sujet dans un avenir proche », a indiqué le ministre Morneau dans son discours.

Le chapitre du budget étrangement intitulé « Équité fiscale pour la classe moyenne » (comme si celle-ci était la seule à mériter un traitement équitable) s'attarde surtout aux stratégies de planification fiscale où des particuliers à haut revenu utilisent des sociétés privées pour réduire leur taux d'imposition - pensez médecins et autres professionnels. Le taux d'inclusion des gains en capital, par contre, n'apparaît nulle part.

Les libéraux, ne l'oublions pas, se sont engagés à trouver 3 milliards de dollars par an d'ici la fin de leur mandat en faisant le ménage dans les dépenses fiscales.

Un certain nombre de mesures, dont les crédits d'impôt pour les transports en commun et pour les activités artistiques, culturelles ou récréatives des enfants, ont effectivement été éliminés, mais on est loin des 3 milliards.

Avec toute l'incertitude créée par nos voisins du dessous, on peut comprendre que Bill Morneau se soit gardé des marges de manoeuvre. Mais un échec de Donald Trump à faire adopter les réductions d'impôts massives qu'il a fait miroiter enlèverait beaucoup de pression sur la fiscalité canadienne, rouvrant la porte aux conjectures sur le traitement des gains en capital. Ce n'est vraiment pas sain.

Le ministre des Finances devrait dire une fois pour toutes où il loge, au plus tard dans sa mise à jour de l'automne.

Sur certains points, ce n'est que partie remise. « Notre gouvernement présentera bientôt une nouvelle politique de défense », a notamment indiqué Bill Morneau. Un silence inexplicable continue cependant de peser sur d'autres aspects. Ainsi, le ministre n'a toujours pas donné d'échéancier pour un éventuel retour à l'équilibre budgétaire, ni même d'indication en ce sens.

Certes, le poids de la dette par rapport à l'économie demeure tout à fait gérable, mais ce jeu de cache-cache devient un peu puéril. On voit bien que le ministre des Finances essaie de recadrer le débat, et qu'en esquivant toutes les questions sur l'équilibre budgétaire, il espère faire disparaître ce point de référence. Celui-ci demeure pourtant d'intérêt pour beaucoup de gens, et les libéraux le savent parfaitement : même en ayant l'audace de faire campagne sur un déficit, ils ont pris bien soin de présenter celui-ci comme « modeste » (moins de 10 milliards de dollars) et limité à la première moitié du mandat.

Le ralentissement leur a donné plus de flexibilité, mais il n'a pas effacé tous les repères non plus. Les projections à long terme publiées par le ministère des Finances à partir de la mise à jour budgétaire de l'automne dernier n'entrevoyaient pas de retour à l'équilibre avant 2050. On jase, là : ces calculs théoriques présument qu'il n'y aura pas de changements dans les politiques gouvernementales, ce qui est évidemment impensable. Mais en prétendant que la question du retour à l'équilibre n'est plus pertinente, le ministre Morneau se comporte comme s'il allait piloter les Finances jusqu'à la fin des temps, ce qui est tout aussi irréaliste.

Au train où vont les choses, c'est plutôt l'idée d'un resserrement qui, dans quelques années, risque de séduire les électeurs. Et malheureusement pour eux, les politiciens qui se font élire en promettant un retour rapide à l'équilibre budgétaire ont tendance à couper là où c'est le plus facile, et non où ce serait utile.

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