Enivrée par son idée d'amener L'Atelier de Joël Robuchon au Casino de Montréal, Loto-Québec en a oublié qui elle était. Eh oui, une société d'État a des comptes à rendre, et celle-ci va devoir s'expliquer.

Une cuisine gastronomique servie dans un cadre à la fois raffiné et décontracté, exécutée selon les exigences du célèbre chef français : pas étonnant que la recette de L'Atelier suscite tant d'enthousiasme, auprès des investisseurs comme des amateurs d'expériences culinaires. Si un promoteur privé avait importé cette formule ici comme d'autres l'ont fait à Las Vegas, à New York ou en Asie, ç'aurait été simple. Plusieurs auraient applaudi. Certains auraient douté de sa rentabilité. Et la plupart des gens auraient haussé les épaules.

Sauf que Loto-Québec n'est pas un banal promoteur. C'est une extension de l'État qui a pour mission de gérer le jeu. Elle aura toujours plus de comptes à rendre.

Il est donc étonnant qu'elle défende si mal son projet, d'autant qu'elle a pu voir venir. Les critiques n'ont pas tardé après l'annonce de l'achat du concept, il y a près de deux ans. On se serait attendu à ce qu'elle s'efforce ensuite d'être plus convaincante. Hélas, on a surtout eu droit à des platitudes circulaires du type « c'est formidable parce que c'est prestigieux ». Mais encore ?

La restauration montréalaise, et les partis de l'opposition dans son sillage, ont fait deux grands reproches à Loto-Québec : se livrer à une concurrence déloyale, et ne pas avoir fait appel à un grand chef d'ici. Des frustrations légitimes auxquelles il aurait fallu opposer des arguments d'affaires.

Si la stratégie était d'aller chercher un nom exclusif, pas encore présent au Québec, ça ne pouvait évidemment pas être un talent local. L'organisation a indiqué cette semaine avoir voulu aller chercher un élément distinctif, mais c'est bien peu, et tard.

Reste la concurrence. Pas « subventionnée », comme on a pu l'entendre, puisque la société des casinos a financé le projet à même son budget de fonctionnement. N'empêche : est-ce acceptable ?

Le jeu n'est plus ce qu'il était. Même à Vegas, il ne génère plus que 43 % des revenus des casinos.

La restauration, par contre, gagne en importance. Ce n'est pas pour rien que Loto-Québec vise désormais « une offre de divertissement de choix ». Si elle s'y prend bien, elle concurrencera forcément le privé. Devrait-elle se contenter de gérer la décroissance ? Peut-être, mais dans ce cas, que le gouvernement arrête de lui réclamer 1,1 milliard par an. Autrement, la question est plutôt de savoir si L'Atelier est un bon investissement.

Combien a-t-on misé là-dessus ? Quelles retombées escompte-t-on de ce contrat de cinq ans ? Est-ce assez sérieux pour justifier d'aller gruger le marché déjà tendu de la restauration haut de gamme à Montréal ?

Si l'État n'a pas à s'ingérer dans la gestion quotidienne d'une société d'État, comme l'a indiqué le ministre des Finances, il n'a pas à la défendre non plus. Qu'il laisse Loto-Québec s'expliquer.

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