Le rapport indépendant publié cette semaine donne une bonne idée de l'impasse financière dans laquelle se trouve la société d'État, et explore un grand nombre d'avenues pour en sortir.

La table est mise pour la grande tournée de consultation qui démarrera à Montréal à la fin du mois. Il s'agit maintenant de décider du type de service dont nous avons vraiment besoin, et du prix que nous sommes prêts à payer.

Le point de départ est simple : les activités de la Société canadienne des postes doivent s'autofinancer, c'est dans sa loi. Et jusqu'à récemment, elle y parvenait presque tous les ans. On ne peut plus compter là-dessus.

Le bénéfice de 63 millions avant impôt enregistré l'an dernier devrait se transformer en perte du même montant cette année, indiquent les projections de la société d'État.

Si rien n'était fait, cette perte annuelle pourrait dépasser les 700 millions dans 10 ans.

Les dernières années de projection sont plus incertaines, indique l'examen indépendant de la firme EY (Ernst & Young). Sur le fond, toutefois, celle-ci confirme la tendance. Certaines hypothèses sont mêmes optimistes, prévient-elle, car les risques de pertes pourraient devenir réalité plus rapidement.

Le problème de fond est connu. Les revenus sont sous pression alors que les coûts fixes demeurent : le volume de courrier diminue à vue d'oeil sans que la société ne puisse alléger sa structure au même rythme.

Les solutions sont loin d'être aussi évidentes. Il n'en existe aucune qui puisse tout régler, montre le rapport du groupe de travail indépendant. Et ce n'est pas faute d'avoir creusé - y compris cette idée de se lancer dans le service bancaire. Les auteurs ne formulent pas de recommandations, mais ils ont commandé des sondages. Et sur ce point, nous ne pouvons qu'être d'accord avec la majorité des Canadiens : ça ne cadrerait pas avec les activités de Postes Canada. D'ailleurs, seule une minorité de consommateurs et d'entreprises se sont dits prêts à les utiliser. Et comme les achats réels sont souvent bien inférieurs aux intentions exprimées, ça laisse bien peu de clients potentiels.

Nous avons même de sérieuses réserves à l'idée d'ajouter tout nouveau service qui ne corresponde pas au métier de Postes Canada. A-t-on déjà oublié l'abominable épisode de « l'internet à vie entièrement gratuit » à l'achat d'un CD-ROM à 9,95 $ ? L'aventure s'est soldée par un recours collectif au terme duquel Postes Canada et ses fournisseurs d'accès ont dû rembourser les CD de quelque 140 000 clients et leur fournir trois mois d'abonnement gratuit.

Assurer la distribution de la marijuana une fois légalisée, comme le propose le rapport, apparaît à la limite plus réaliste. Il s'agit d'une nouvelle activité dont le fédéral dictera les règles et, surtout, c'est de la livraison.

Évidemment, ça ne suffira pas à renverser la vapeur. Il va falloir envisager des changements plus profonds, comme la fréquence de livraison et le franchisage de bureaux de poste.

Près des trois quarts des Canadiens se disent d'accord pour recevoir leur courrier un jour sur deux - déjà, plusieurs utilisateurs de boîtes postales communautaires n'y vont pas tous les jours. Il faut lancer des projets-pilotes pour mesurer les économies et les impacts réels.

Le service postal exploite l'un des plus importants réseaux de vente au détail au pays. Et que font les détaillants qui perdent des revenus à cause de l'internet ? Ils ferment des succursales. Sans éliminer des points de service (en particulier en régions rurales), Postes Canada pourrait en transférer à des franchisés. Malheureusement, plus de 3700 de ses bureaux sont actuellement couverts par un moratoire ou une entente. En lui liant ainsi les mains, on la prive d'économies substantielles.

La société d'État a encore de la marge de manoeuvre pour faire évoluer son modèle. Il ne faut cependant pas trop traîner, car plus on attendra, moins il restera de temps pour effectuer des changements et, donc, plus ceux-ci seront brutaux.

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