L'accord fédéral-provincial sur le transfert de fonds destinés à la santé arrivant à échéance dans moins d'un an, il est urgent de le renouveler. Malheureusement, les échanges sont partis sur de bien mauvaises bases, avec une ministre fédérale qui entend imposer ses conditions et des provinces qui n'en veulent pas. On n'ira nulle part comme ça. Si Ottawa veut faire valoir ses priorités, il devra faire preuve de leadership.

« J'ai la ferme conviction qu'en tant que gouvernement fédéral, nous avons une obligation de faire plus que d'ouvrir simplement le portefeuille fédéral », a indiqué récemment la ministre Jane Philpott en annonçant « des conversations robustes [...] sur la façon dont cet argent devrait être investi ».

La ministre fédérale de la Santé a fait ces déclarations dans le cadre d'un discours devant l'Association médicale canadienne le mois dernier. Elle y énonce des priorités intéressantes, comme la santé mentale, les soins à domicile et les soins palliatifs (auxquels le gouvernement Trudeau s'est engagé à consacrer 3 milliards de dollars supplémentaires sur quatre ans) et la nécessité de faire évoluer le système de santé. Sur le fond, c'est tout à fait défendable. Sur la forme, par contre, c'est mal engagé.

Le ministre québécois de la Santé est celui qui a protesté le plus ouvertement, mais ses homologues n'en pensent pas moins.

Les provinces se sont toujours opposées à ce que les transferts en santé soient soumis à des conditions contraignantes.

Bien que les soins soient de compétence provinciale, le pouvoir fédéral de dépenser en santé est bien établi. Et en théorie, un gouvernement pourrait lier ses transferts à l'atteinte d'objectifs précis, en se raccrochant à La loi canadienne sur la santé, par exemple. En pratique, toutefois, c'est difficilement applicable. Demander aux provinces de sauter dans un cerceau pour obtenir leur part ne peut mener qu'à une crise dont personne ne sortira gagnant - surtout pas les patients.

N'oublions pas que les transferts fédéraux couvrent un peu moins du quart des dépenses de santé des provinces.

C'est une participation significative, mais qui ne justifie pas de prendre le contrôle de l'affaire. Et s'il est évident que les façons de faire doivent évoluer, Ottawa doit aussi reconnaître que les bonnes idées ne suffisent pas : si c'était le cas, ce serait réglé depuis longtemps puisqu'on en a des rapports pleins.

Les élus devraient aussi se rappeler qu'il ne s'agit pas de négociations entre un syndicat et un État-employeur, où le premier est en demande et le second doit défendre le portefeuille du contribuable. Il s'agit d'une discussion entre deux ordres de gouvernement redevables au même citoyen. Celui-ci s'attend à ce que l'argent de ses impôts serve à lui donner les meilleurs services possible, et non à commanditer un jeu de souque-à-la-corde entre deux ordres de gouvernement.

La ministre Philpott a un peu nuancé ses propos hier. « Je pense que le terme "conditionnel" relève d'un langage un peu provocateur, nous parlons de faire des investissements dans des priorités partagées », a-t-elle indiqué lors d'une mêlée de presse à Ottawa.

Le ministre Barrette souligne pour sa part que les soins à domicile, les soins palliatifs et la santé mentale sont tous des secteurs dans lesquels il a déjà annoncé ses intentions de réinvestir et, donc, pour lesquels l'argent d'Ottawa sera bienvenu.

Si certaines provinces investissent davantage dans les services privilégiés par Ottawa, comme les soins à domicile, aucune ne les couvre parfaitement. Sur ces priorités donc, tout le monde devrait finir par s'entendre.

La ministre Philpott a par ailleurs raison de souligner que les dizaines de millions de dollars versés dans le cadre du précédent accord sur la santé ont surtout servi à réduire des temps d'attente, sans vraiment changer le fonctionnement du système. Mais comme le rappelle le groupe de réflexion ontarien Mowat Centre dans un récent rapport, les provinces ont bel et bien fait des gestes pour réduire les coûts des services de santé au cours des dernières années.

Oui, il faut en faire plus. La ministre doit toutefois être consciente qu'elle n'est pas devant une page blanche, mais devant des interlocuteurs informés avec lesquels elle doit susciter des échanges fructueux.

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