Les Canadiens qui, ayant une double citoyenneté, ont toujours voyagé avec un passeport d'un autre pays doivent maintenant s'en procurer un deuxième, celui du Canada, sous peine de ne pas pouvoir rentrer ici. Une nouvelle exigence qui risque de poser problème à la fin septembre.

« Si vous n'avez pas de titre de voyage valide prouvant votre citoyenneté canadienne, il se pourrait que vous ne soyez pas en mesure de monter à bord de votre vol », prévient Citoyenneté et Immigration Canada sur son site. Et à compter du 30 septembre, le passeport canadien sera pratiquement la seule preuve* acceptée pour arriver ici par avion.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle politique, mais de la conséquence du nouveau système électronique instauré par Ottawa, explique-t-on au Ministère.

C'est tout de même une rupture d'avec le régime qui prévalait jusqu'ici, alors que les passeports d'autres pays (dont le Royaume-Uni et la France) accompagnés de certaines pièces d'identité (comme le certificat de citoyenneté) permettaient aux Canadiens de rentrer chez eux sans problème. On ne sait pas encore combien de gens sont touchés, mais presque 3 % de la population (plus de 930 000 Canadiens) ont la citoyenneté d'au moins un autre pays, ce n'est pas négligeable. Malgré les efforts faits pour publiciser cette nouvelle norme, certains seront pris au dépourvu.

Et au-delà de cette période d'ajustement, c'est le fondement même de l'exigence qui laisse perplexe.

Un passeport canadien n'est pas une banalité. Outre les exigences en termes de dossier et de prise de photo, il y a les frais. Un adulte devra débourser entre 120 $ et 260 $ selon la durée du document et l'endroit où il le demande - et même davantage s'il a besoin d'un service accéléré.

Le Ministère assure que son but n'est pas d'aller chercher des revenus supplémentaires puisque l'argent est réinvesti dans le programme, qui doit s'autofinancer. Il est tout de même étonnant qu'Ottawa provoque ainsi une augmentation du nombre de passeports canadiens en circulation, au risque d'augmenter aussi le nombre de pertes et de vols.

C'est d'autant plus malheureux qu'Ottawa a créé en parallèle un autre système beaucoup moins lourd, l'autorisation de voyage électronique (AVE). Destinée aux visiteurs étrangers citoyens d'un pays pour lequel le Canada n'exige pas de visa, l'AVE coûte seulement 7 $, dure jusqu'à cinq ans et s'obtient en remplissant un simple formulaire en ligne. Pourquoi les Canadiens ayant un passeport d'un de ces pays jugés assez fiables pour ne pas avoir besoin de visa n'utiliseraient-ils pas une AVE eux aussi ?

Les Canadiens ne peuvent y avoir recours parce que l'AVE a été instaurée pour contrôler l'admissibilité au pays, alors que tout citoyen canadien a le droit d'entrer ici sans être soumis à un contrôle de l'immigration, dit le Ministère. Pas très convaincant.

Comme trop souvent avec le secteur public, on a surtout l'impression que personne ne s'est soucié de trouver la solution la plus pratique pour les citoyens.

Est-ce un héritage de l'administration Harper, qui n'a jamais caché son hostilité à la double nationalité ? L'actuel ministre de l'Immigration, John McCallum, n'a pas voulu commenter cette nouvelle exigence. Il faudra voir à la fin septembre, quand les Canadiens concernés y feront face. Le gouvernement Trudeau, qui se veut ouvert sur le monde et ne rate pas une occasion de vanter le multiculturalisme, pourrait avoir du mal à défendre cette mesure.

* Hormis le passeport canadien temporaire et le titre de voyage d'urgence canadien, délivrés seulement dans des circonstances particulières.

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