Loin de nuire aux ventes d'armes à feu, les fusillades meurtrières des dernières années ont été accompagnées d'un boom spectaculaire aux États-Unis. De toute évidence, l'industrie n'a pas besoin de la clientèle, somme toute marginale, des terroristes et des désaxés. Qu'attend-elle pour s'en dissocier ?

Les titres des fabricants d'armes américains Sturm Ruger et Smith & Wesson ont bondi lundi, au lendemain de la tragédie d'Orlando. Le phénomène est connu. Les tueries ravivent la discussion sur le contrôle des armes, ce qui incite des Américains à s'en procurer de crainte qu'elles ne soient interdites. Les cours ont reculé depuis, mais restent légèrement au-dessus de leur prix de clôture de vendredi dernier. De toute façon, la tendance à long terme en témoigne : les affaires se portent très bien merci.

L'impact économique du secteur a plus que doublé depuis 2008 et le nombre d'emplois directs a augmenté de plus de 75 % durant cette période, montrent les chiffres de la National Shooting Sports Foundation (NSSF). « La croissance de l'industrie a été alimentée par un nombre sans précédent d'Américains qui choisissent d'exercer leur droit fondamental de conserver et de porter des armes », écrit la NSSF, qui représente plus de 13 000 manufacturiers, distributeurs, marchands, champs de tir et autres acteurs du domaine.

La hausse des ventes constatée après la fusillade de San Bernardino a en partie été motivée par un réflexe d'autodéfense, mais aussi, comme après celle de l'école primaire Sandy Hook, par la crainte d'un resserrement, confirme un analyste cité par l'agence Bloomberg.

Si les Américains ont acheté autant d'armes à feu, c'est d'abord parce qu'ils y avaient légalement accès. 

Cependant, l'élection du président Obama en 2008, et ses appels répétés à un meilleur contrôle des armes à feu, sont aussi considérés comme des incitatifs importants. Une avance d'Hillary Clinton dans les intentions de vote pourrait susciter le même phénomène.

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Les « citoyens respectueux des lois » : c'est l'expression que la NSSF et la National Rifle Association (NRA) utilisent toujours pour défendre les honnêtes Américains qui utilisent leurs armes à des fins de loisir (chasse, tir) et d'autodéfense. De fait, les individus qui commettent un carnage avec des armes achetées légalement constituent une infime minorité. L'industrie peut se passer de cette clientèle, et l'on s'attendrait à ce qu'elle s'en distancie. Hélas, elle fait tout le contraire. En prétendant que des contrôles accrus dépouilleraient les propriétaires de leurs armes et ne pourraient rien changer, elle n'aide pas seulement les honnêtes citoyens, mais les terroristes et les fous dangereux. C'est irresponsable.

Pour mémoire, les civils qui possédaient des armes d'assaut avant l'interdiction en vigueur de 1994 à 2004 ont eu le droit de les conserver.

Et oui, bannir la vente d'un type d'arme dans un État, ou même dans tout le pays, aurait sans doute des effets limités tant il y en a déjà en circulation. Par contre, il devrait y avoir des procédures de vérification beaucoup plus efficaces pour écarter les individus ayant des problèmes de santé mentale ou de violence, et ceux soupçonnés de desseins terroristes.

« Les armes à feu ne tuent pas, ce sont les gens qui tuent », disait la NRA. Justement : l'industrie devrait collaborer activement avec les autorités pour que les gens qui veulent tuer n'aient pas aussi facilement accès à ses produits.

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