Les nouvelles recommandations de l'American Cancer Society sur la mammographie se rapprochent de celles, plus prudentes, de son homologue canadienne. Elles suscitent toutefois beaucoup de résistance aux États-Unis. De toute évidence, on sous-estime encore les risques liés au surdiagnostic.

Le débat, soulignons-le, porte sur les femmes présentant un risque dit moyen - qui n'ont pas d'antécédent de cancer du sein personnel ou familial (parent au premier degré) ni de mutation du gène BRCA1 ou BRCA2, par exemple. L'organisme américain leur suggère désormais de subir une mammographie annuelle à partir de 45 ans, puis tous les deux ans après 55 ans.

Vu d'ici, c'est encore très interventionniste. La Société canadienne du cancer, qui se fonde sur les travaux du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, s'en tient à une mammographie bisannuelle entre 50 et 69 ans. Mais pour son homologue américaine, qui prônait jusqu'ici un test annuel dès 40 ans, c'est une petite révolution. Elle se rapproche ainsi des directives du US Preventive Services Task Force (mammographie bisannuelle entre 50 et 74 ans), qui avaient déchaîné les passions en 2009.

La position canadienne, annoncée deux ans plus tard, n'a pas fait l'unanimité non plus. Mais elle tenait déjà plus compte du risque de surdiagnostic, auquel la science est, heureusement, de plus en plus sensible.

Des chercheurs qui ont suivi des dizaines de milliers des Canadiennes durant une vingtaine d'années ont constaté que les mammographies effectuées durant la quarantaine n'avaient pas réduit la mortalité. Elles ont plutôt entraîné du surdiagnostic en détectant des tumeurs qui n'auraient pas eu d'effet sur la santé des patientes, ont-ils rapporté l'an dernier.

Le risque de recevoir un faux positif est 30 % plus élevé avec un test annuel qu'avec un test bisannuel, suggère une étude américaine.

En plus d'inquiéter les patientes, ces résultats amènent des biopsies, des traitements et des opérations inutiles, avec les risques que cela comporte.

Ce ne sont que quelques exemples. À la lumière des recherches publiées ces dernières années, le virage de la société américaine du cancer paraît bien modéré. Il s'est néanmoins attiré de vives critiques, et pas seulement de parties intéressées, comme l'American College of Radiology ou la Society of Breast Imaging. Des spécialistes et des centres d'oncologie réputés défendent la mammographie annuelle après 40 ans bec et ongles, comme si c'était l'idée même de la prévention qui était menacée.

La pertinence du dépistage n'est pourtant pas en cause. Combiné à l'amélioration des traitements, il a contribué à réduire le taux de mortalité de ce cancer de 43 % au Québec depuis le milieu des années 80. Près de 9 patientes sur 10 (88 %) survivent maintenant plus de cinq ans, signale la Fondation du cancer du sein.

Il ne s'agit donc pas de se priver des avancées de la science, mais, au contraire, de comprendre qu'éviter des examens inutiles à des dizaines de milliers de femmes, c'est aussi faire de la prévention.

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