Québec, fin de l'année 2020. Les gicleurs sont la norme dans les résidences pour aînés certifiées. Elles sont équipées de systèmes d'alerte efficaces et gardées par un personnel adéquat. Les pompiers volontaires des régions possèdent tous un minimum de formation, et sont beaucoup plus efficaces depuis qu'ils sont regroupés dans leurs municipalités régionales de comté (MRC) respectives.

Fiction? Espérons que non. C'est la situation qui devrait prévaloir si on suit les recommandations coroner Cyrille Delâge rendues publiques jeudi. Sinon, autant préparer tout de suite les plates excuses et les larmes de crocodile. On en aura besoin lors des prochains incendies qui ne manqueront pas de survenir.

«J'ai beaucoup de difficulté à accepter qu'au cours de la présente enquête, j'ai rencontré les mêmes obstacles que j'avais notés il y a près de 20 ans», souligne le commissaire-enquêteur aux incendies, qui a une longue expérience des résidences pour personnes âgées (RPA). Cette fois-ci sera-t-elle la bonne?

Certaines mesures sont plus faciles à implanter. L'intervention désorganisée menée à la Résidence du Havre l'a démontré: la clause grand-père qui a exempté les pompiers en service depuis 1998 de mettre à jour leur formation de base est dangereuse et doit être abolie.

La mise en commun des ressources des services de sécurité incendie au sein des MRC est aussi une évidence. Les susceptibilités et l'esprit de clocher, pour reprendre les termes du coroner, ne devraient pas passer avant la sécurité des résidants. Accorder aux appels provenant de centrales d'alarme privées la même priorité que ceux du 911, et bien former le personnel des résidences aux évacuations paraît aussi tout à fait réalisable.

L'idée d'avoir des gicleurs automatiques dans toutes les RPA certifiées, sauf les plus petites, est déjà en chemin. Le nouveau Code de construction attendu cette année l'exigera des nouveaux bâtiments. Ç'aurait dû être fait il y a longtemps, on aurait moins d'édifices à corriger aujourd'hui. L'installation de gicleurs dans des résidences existantes est en effet l'une des recommandations les plus épineuses du rapport.

Comment financer cet investissement? Le risque de provoquer une vague de fermetures ou de décertifications est réel. Montréal vient de créer un programme de subvention de deux millions par an, rapportait notre collègue Pierre-André Normandin, cette semaine. Toutes les municipalités n'ont pas ces moyens. Québec devra trouver une solution.

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Tenir compte du degré d'autonomie réel des résidents et avoir assez d'employés sur les lieux sera encore plus difficile. Les premiers ne veulent pas déménager, les seconds coûtent cher. Il faudra au moins s'assurer que les aînés les moins mobiles habitent les logements les plus faciles à évacuer et que le personnel est bien préparé.

La ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Santé promettent que ce rapport-là ne finira pas sur une tablette. On attend la suite. Personne ne mérite de mourir ainsi victime, non pas seulement d'un feu accidentel, mais d'une longue suite de négligences.

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