Nous pourrions vous dire: plus jamais de cycliste dépassée de trop près. Plus jamais de victime aspirée sous les roues d'un camion. Il faut voir plus large.

La conduite de la jeune femme n'était pas en cause, confirme le rapport du coroner publié hier. Coincée entre un mur de béton et un camion-remorque dans une voie qui, justement, n'était pas assez large pour les deux, elle n'a eu aucune chance. «Le décès était évitable. Il aurait fallu partager la voie (...) Si tel avait été le cas, le camion remorque aurait laissé le passage à madame ou aurait empiété dans la voie de gauche», écrit Paul G. Dionne.

Le chauffeur a été accusé en cour municipale en vertu l'article 327 du Code de la sécurité routière (avoir commis une «action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes»).

Le coroner, pour sa part, évoque l'article 341, qui interdit à un véhicule de dépasser une bicyclette à l'intérieur d'une même voie s'il n'a pas l'espace suffisant. Le Code, malheureusement, ne précise pas de distance minimale, laissant le sujet dans l'ombre. La Société de l'assurance automobile (SAAQ) suggère un mètre en ville, mais il n'y a jamais eu de campagne là-dessus.

Le coroner a donc bien fait de demander que la distance soit incluse dans le Code. C'est la première et, de loin, la plus importante de ses recommandations.

Cette notion de distance à respecter est fondamentale. Pour améliorer la sécurité générale, il faut tenir compte d'une réalité indéniable: la cohabitation accrue entre les véhicules motorisés et les autres usagers de la route. Il y a plus de tout dans le même espace, c'est comme ça, il va falloir apprendre à vivre avec. Le Code et la culture routière du Québec ont un énorme rattrapage à faire là-dessus.

Le Code est en chantier, le ministre des Transports promet le dépôt d'un projet de loi à la prochaine session parlementaire. Pour le changement de culture, ça risque de prendre un peu plus de temps. C'est pourtant incontournable.

Savez-vous combien de conducteurs ont reçu une contravention pour avoir frôlé un cycliste ces dernières années - le fameux article 341? Huit. Par an. Dans tout le Québec. Non, ce n'est pas une infraction facile à constater. C'est pourquoi nous ne réclamons pas un blitz de contraventions, mais un changement de perspectives.

Renforcer les lois et les peines, les appliquer, tout cela est essentiel pour envoyer un message clair. Mais tant qu'une majorité de conducteurs considérera que la chaussée est faite pour eux, qu'ils en sont les seuls utilisateurs légitimes, et que les cyclistes et les piétons sont dans leur chemin, ce sera peine perdue. On fera peut-être plus attention en passant sous un viaduc ou en ouvrant sa portière, sans plus... jusqu'à ce qu'un autre type d'accident brutal et évitable réveille les consciences.

Si nous voulons éviter d'autres morts comme celle Mathilde Blais il faut, justement, arrêter d'attendre des morts pour régler chaque problème à la pièce.

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