Le projet de loi qui vient d'être déposé pour résorber les déficits des régimes de retraite municipaux répond à un besoin réel et pressant. Il y a toutefois lieu de se demander si cette loi ne ratisse pas trop large, au point de compromettre l'atteinte de ses objectifs.

L'Association des pompiers de Montréal a tiré la première salve hier. Une centaine de membres ont pris leur retraite, limitant les effets du projet de loi sur leur portefeuille. Ce n'est qu'un début.

La démarche dictée par Québec pour assainir les régimes à prestations déterminées exige qu'employés et retraités reviennent sur des acquis. Aucun syndicat ne s'engage là-dedans de gaieté de coeur.

La dynamique qui prévalait jusqu'ici, dans laquelle les municipalités doivent assumer seules les déficits passés, était autrement plus avantageuse pour les bénéficiaires. Mais pour maintenir un tel statu quo, il faudrait que la capacité de payer des contribuables soit extensible à l'infini. Ce n'est pas le cas, la limite est dépassée depuis longtemps. Plafonner les dépenses des municipalités en laissant ces régimes malades en accaparer une part croissante n'est pas une solution non plus.

Le gouvernement Couillard avait promis d'intervenir, il a tenu parole. Le texte déposé jeudi est une sorte de mode d'emploi pour un rétablissement idéal. Une durée de négociation et d'arbitrage limitée, une répartition des responsabilités, des mesures pour résorber les déficits antérieurs à 2014 et d'autres pour éviter la répétition de tels problèmes. S'il était question de réparer un tuyau qui fuit, ça ferait sans doute consensus.

Le hic, c'est qu'il ne s'agit pas de matériaux inertes, mais de l'argent des travailleurs et des retraités. Des sommes qu'ils devront se résigner à verser en plus, ou à recevoir en moins. L'intervention a beau être requise, ça ne la rend pas agréable pour autant.

Cela dit, si on n'encadre pas la durée et les objectifs des discussions, on n'y arrivera pas. Une véritable négociation, du point de vue syndical, c'est obtenir autre chose en échange des concessions. Les municipalités retireront leur main de la poche droite du contribuable pour mieux la replonger dans celle de gauche.

Par contre, on se demande si Québec n'a pas vu trop grand. Son projet de loi vise tous les régimes municipaux à prestations déterminées, alors que celui du précédent gouvernement priorisait ceux ayant un taux de capitalisation inférieur à 85 % - environ la moitié des 170 régimes. Et s'il est important d'éviter la répétition d'une telle crise, il faut aussi voir que les normes imposées à partir de 2014 siphonnent beaucoup d'acquis des travailleurs et retraités.

Bref, la bouchée est considérable. Le gouvernement Couillard aura-t-il les mâchoires assez fortes ? Il doit se poser la question, car les syndicats, eux, ne lâcheront pas facilement le morceau. Si le blocage est total et que le processus s'enlise devant les tribunaux, les contribuables ne seront pas plus avancés.

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