Avec les nouvelles règles de financement, le vote, peu importe le parti pour lequel il est exprimé, a gagné en valeur.

L'expression «vote stratégique» désigne généralement un pis-aller, c'est-à-dire un vote pour le candidat qui, quelle que soit sa couleur, a le plus de chances de barrer la route à un autre. «Voter stratégique», c'est un peu voter en se bouchant le nez.

Dommage que le terme stratégique soit devenu si péjoratif. Parce qu'avec les nouvelles règles de financement, qui accordent davantage de fonds publics en fonction des voix recueillies, se rendre dans l'isoloir pour cocher le nom d'un candidat est une stratégie assurée d'avoir des retombées positives.

En effet, la somme versée dans l'enveloppe où le directeur général des élections (DGE) puise l'allocation annuelle de chaque parti est maintenant de 1,50$ par électeur inscrit, soit 76% de plus qu'auparavant. Et l'allocation supplémentaire en année électorale a bondi de 67%, à 2,50$.

Voilà qui devrait interpeler ceux qui pensent bouder le scrutin aujourd'hui, non pas par indifférence envers la politique, mais parce que le candidat qui les intéresse n'a aucune chance d'être élu. «Mon vote est perdu», entend-on souvent. Mauvais calcul. Ces votes permettent au parti d'aller chercher une plus grande part du financement public et, ainsi, de mieux se faire entendre au cours des prochaines années, y compris aux prochaines élections. Ce n'est peut-être pas la représentation proportionnelle que plusieurs réclament, mais c'est déjà quelque chose.

C'est aussi un pensez-y bien pour les électeurs qui envisagent de s'abstenir parce qu'aucun candidat ou parti ne les enthousiasme. C'est possible, mais n'y en a-t-il vraiment aucun qui défende des valeurs importantes? Il faut se poser la question. Parce que là encore, la meilleure stratégie pour que des valeurs soient entendues, ce n'est pas de s'abstenir, mais de contribuer à ce que le parti qui en est porteur ait davantage de ressources.

Quant aux électeurs tentés d'annuler leur vote pour exprimer leur insatisfaction, ils doivent être conscients que leur voix ne sera pas comptabilisée dans une catégorie à part, mais ira grossir la pile des bulletins rejetés. Ces votes de protestation resteront invisibles et muets.

Rappelons que le financement public associé aux électeurs inscrits sera entièrement versé, que ceux-ci votent ou non. Ceux qui opteront pour l'abstention ou l'annulation se retrouveront donc à endosser aveuglément les résultats du scrutin, quels qu'il soient. En effet, les montants découlant de leur présence sur la liste électorale (1,50$ par an + 2,50$ à la prochaine élection générale) seront distribués aux partis en fonction des pourcentages récoltés ce soir.

D'aucuns diront que cette question de financement est bien secondaire par rapport aux enjeux d'une campagne. Peut-être, mais si cette réforme peut convaincre des électeurs d'aller voter aujourd'hui, et augmente le taux de participation, sa contribution ne sera pas négligeable.

akrol@lapresse.ca

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