Y aura-t-il une enquête publique du coroner sur le désastre de L'Isle-Verte? Qu'on se pose encore la question dépasse l'entendement.

C'est pourtant ce que font les différents ministres interpellés depuis près d'une semaine. C'est trop tôt, il faut attendre l'enquête policière, nous répète-t-on.

Attendre quoi? Ou bien quelque chose a fait défaut dans la prévention ou la réaction au feu qui s'est déclaré à la Résidence du Havre. Ou bien tout a été exemplaire, et ce sont ces exigences qui sont insuffisantes. Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut pas en rester là.

Qu'un appareil défectueux ou un tissu brûlé par une cigarette s'enflamme, c'est toujours possible. Mais quand un incident de cette nature, ou un autre facteur non criminel, entraîne la perte de 32 personnes, il faut se poser des questions. On n'a pas le droit de traiter un tel événement comme un malheureux hasard.

Nous ne doutons pas de la qualité l'enquête de la Sûreté du Québec. Ni de celle menée par le Bureau du coroner. Dans les circonstances, toutefois, ce n'est pas assez. On ne va quand même pas se contenter de «prendre acte des recommandations», pour reprendre l'expression peu compromettante consacrée, et passer à un autre appel.

Cela s'est déjà produit avec trop de rapports de coroners sur des incendies dans des résidences pour personnes âgées. Si certains éléments ont été intégrés à la réglementation ou aux façons de faire, d'autres continuent d'être ignorés. C'est le cas des fameux gicleurs, qui n'ont pas seulement fait l'objet de recommandations: leur contribution a été signalée dans plusieurs cas où le feu a été contenu dans un seul logement. Pourtant, on n'a jamais envisagé sérieusement de les rendre obligatoires dans les résidences existantes. Pis, on trouve normal qu'il s'en bâtisse de nouvelles sans cet équipement, et ce, jusqu'à trois étages de haut.

La Régie du bâtiment, dont la nouvelle mouture du Code de construction est attendue cette année, n'a pas encore décidé si les gicleurs deviendront la norme dans nos résidences pour aînés. En Ontario, c'est le cas depuis 16 ans.

Pourquoi les pouvoirs publics s'entêtent-ils à sous-estimer la vulnérabilité de cette clientèle? Un projet de règlement, glissé en douce dans la Gazette officielle du 27 décembre dernier, supprime l'obligation d'avoir un membre du personnel en tout temps dans les résidences de moins de 50 logements destinées aux personnes âgées autonomes. Le terme «autonome», rappelons-le, ne nous dit rien sur la capacité des locataires à se déplacer sans aide. Il désigne le niveau de services offert par la résidence, qui peut aussi héberger des personnes recevant de l'assistance personnelle ou des soins infirmiers. C'est inquiétant.

Une enquête publique ne garantit pas que les failles ayant coûté la vie à plus de 60% des locataires de la Résidence du Havre seront toutes corrigées. Mais les ignorer deviendra drôlement plus gênant.

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