Plus de deux ans après son adoption, la Loi canadienne anti-pourriel n'est toujours pas en vigueur. Cela pourrait enfin changer, grâce aux règlements qui viennent d'être publiés. Leur portée limitée risque toutefois de causer beaucoup de déception.

Qu'est-ce que le pourriel? Des «messages électroniques commerciaux non sollicités», indiquait la première version des règlements présentée en juillet 2011. La définition ratisse large et reflète bien l'irritation que suscite le racolage par courriel ou par texto. Promesses d'élongation anatomique, loteries bidon, tentatives d'obtenir un numéro de carte de crédit, publicités sans intérêt ne sont que quelques exemples de cette sollicitation indésirable.

Si la plus récente mouture des règlements demeure intraitable envers les activités criminelles, elle redonne beaucoup de marge au marketing d'entreprise. Les premières peuvent être dangereuses pour les citoyens peu au fait des technologies, c'est vrai. Reste que pour une grande partie des utilisateurs, les deux sources sont tout aussi importunes.

Lorsque la loi sera en vigueur, particuliers et entreprises pourront signaler les messages électroniques commerciaux qui leur auront été envoyés sans leur consentement à un Centre de notification des pourriels. Nous souhaitons bonne chance aux employés de ce centre, qui sera hébergé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Ils recevront sans doute bien des plaintes de citoyens furieux d'apprendre que cette loi anti-pourriel au nom si prometteur tolère des messages qu'ils jugent indésirables.

L'exemption accordée aux références faites par des tiers risque notamment de créer beaucoup de confusion. Une entreprise qui aura obtenu vos coordonnées électroniques par l'une de vos relations aura le droit de vous contacter. Elle ne pourra vous envoyer qu'un seul message et devra indiquer qui vous a recommandé. N'empêche. Cette exemption ajoutée à la nouvelle version des règlements légitimera des envois dont plusieurs se seraient passés.

La notion de «liens personnels» est déterminante, car les messages électroniques commerciaux entre individus liés ne sont pas considérés comme du pourriel. Or, elle a été grandement étirée. Le règlement original demandait que le destinataire et l'expéditeur se soient rencontrés dans un contexte non commercial dans les deux années précédentes. Toutes ces exigences ont disparu. La nouvelle définition, nettement plus permissive, ouvre la porte à bien des messages qui n'auraient pas passé autrement.

La loi prévoit des amendes salées. Si Ottawa met les ressources nécessaires pour la faire respecter, il finira sans doute par réduire le flot de messages trompeurs et malfaisants en provenance du Canada. C'est déjà ça. On aurait cependant aimé qu'il demeure plus ferme envers la sollicitation d'entreprises, aussi légitimes soient-elles.

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