Le Canada compte aujourd'hui quelque 600 000 Indiens de plus. Métis et Indiens non inscrits peuvent bel et bien prétendre à ce titre, a confirmé hier la Cour fédérale. Une reconnaissance déterminante, mais dont les bénéfices individuels se feront attendre.

Ces deux groupes sont des «Indiens» au sens de la Loi constitutionnelle de 1867, a tranché le juge Michael Phelan.

Ottawa n'a pas encore dit quelle suite il donnera à ce jugement. S'il le conteste en Cour d'appel fédérale et que le dossier va jusqu'en Cour suprême, cela pourrait prendre trois ans avant de savoir s'il tient la route. Par contre, si le gouvernement accepte la décision d'hier et ouvre le dialogue avec ces «nouveaux» Indiens, ceux-ci pourraient obtenir des gains concrets plus rapidement.

Dans tous les cas, la victoire de ces autochtones est considérable. À moins d'un jugement de la Cour suprême qui viendrait démolir celui de la Cour fédérale, Ottawa devra négocier avec eux. Avec quel enthousiasme et quels résultats? Il faudra voir. N'empêche: quand 600 000 personnes mettent le pied dans votre porte, il devient très difficile de la leur fermer au nez.

Quels avantages recevront ces groupes? Combien cela coûtera-t-il aux contribuables? Impossible à dire, puisque tout sera sujet à négociation. Même si les demandeurs réclament un traitement identique à celui des Indiens inscrits, Ottawa pourra faire valoir que leurs besoins ne sont pas les mêmes.

Dans certains cas, il pourrait s'agir de simples transferts de dépenses, si les provinces refilent au fédéral la facture de services qu'elles fournissent actuellement, note Sébastien Grammond, doyen de la Section de droit civil et spécialiste des questions autochtones à l'Université d'Ottawa.

«Aucun des jugements déclaratoires sollicités n'accomplira quoi que ce soit, sauf conduire à d'autres litiges», avait fait valoir Ottawa en Cour fédérale. Il est heureux que le juge Phelan ne se soit pas arrêté à cela.

L'arrivée massive de ces «nouveaux» Indiens ne facilitera pas la tâche du gouvernement fédéral, c'est vrai. Mais la justice ne devrait pas se subordonner à des considérations bureaucratiques. Surtout quand l'État a sciemment ignoré le problème.

Métis et Indiens non inscrits sont les plus désavantagés de tous les citoyens canadiens, soulignait déjà le secrétaire d'État fédéral en 1972. Le refus de traiter les Métis comme Indiens à part entière est discriminatoire et tant que ça durera, aucune mesure corrective n'aura l'efficacité souhaitée, ajoutait le rapport Erasmus-Dussault un quart de siècle plus tard.

La Cour fédérale, elle, aura mis 13 ans à se prononcer. Ce n'est pas trop tôt.

Beaucoup de Métis et d'Indiens non inscrits sont la cible de discrimination parce que, justement, ils sont vus comme des Indiens. La moindre des choses que l'on puisse faire est de les reconnaître comme tels.

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