En bradant sa part d'Alliance Films, Investissement Québec (IQ) met un terme à une histoire lamentable dans laquelle l'État n'avait pas sa place. Espérons qu'on a compris la leçon.

Le dénouement était prévisible. La Société générale de financement (SGF) était pratiquement la seule à croire qu'elle faisait une bonne affaire en acquérant près de 40 % du distributeur canadien, en décembre 2007. Pourtant, elle avait déjà fait deux incursions décevantes en production cinématographique, et vu la Caisse de dépôt perdre ses billes à Hollywood. En refusant d'apprendre de ses erreurs et de celles des autres, la société d'État se condamnait à répéter le même scénario.

IQ, qui a hérité de cette participation lors de sa fusion avec la SGF, s'est rendue à l'évidence. Pour conserver Alliance, il aurait fallu y réinjecter 100 millions. Il était temps d'en finir.

La société d'État n'a pas encore révélé combien elle perd dans l'aventure, mais la finale s'annonce teintée à l'hémoglobine. Entertainment One versera 174,2 millions pour Alliance, en sus de sa dette. Avec sa participation de 38,5 %, IQ toucherait à peine 67 millions, alors que la SGF en avait investi 115. En moins de cinq ans, Québec aura perdu 48 millions, soit plus de 40 % de sa mise. On est loin du «bon taux de rendement» que la SGF attendait de cette transaction.

La société gouvernementale semblait croire qu'elle avait obtenu son principal gain à la signature, soit le «déménagement» du siège social du distributeur torontois à Montréal. Alliance a une présence significative au Québec. Mais sur près de 300 employés, une cinquantaine seulement travaillent à Montréal. Et les deux principaux dirigeants de la société n'ont jamais déménagé au Québec.

L'acheteur torontois, Entertainment One, emploie déjà 110 personnes à Montréal. Son numéro deux, le Québécois Patrice Théroux, vante les activités montréalaises d'Alliance, dont il est un ex-dirigeant. Mais pour le siège social, il ne s'engage à rien.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les retombées locales de cet investissement, et des autres que la SGF a faits en production cinématographique, n'ont pas été à la hauteur des attentes. Les contribuables n'en ont vraiment pas eu pour leur argent.

À l'heure où le PQ affirme être prêt à tout pour bloquer l'achat d'Astral par la Torontoise BCE, et où les deux principaux partis d'opposition se sont également dits préoccupés par cette transaction, c'est une leçon à méditer.

L'animal est différent, c'est vrai. Astral est prospère et ses canaux spécialisés offrent une garantie de revenus qu'Alliance n'avait pas. Mais au-delà de la valeur de l'investissement, l'épisode d'Alliance nous montre la fragilité d'un siège social tributaire de l'intervention de l'État.

Des sièges sociaux, nous en voulons le plus possible, évidemment. Cependant, ce ne devrait jamais être la seule, ni même la principale raison d'investir des fonds publics.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion