Apprendre que votre cancer aurait dû être diagnostiqué un ou deux ans plus tôt? C'est le coup de massue qu'ont reçu 109 Québécoises au cours de la dernière année. C'est à elles qu'il faut penser pour éviter que cela se reproduise.

C'est la plus grosse enquête jamais réalisée par le Collège des médecins. On aurait préféré qu'elle ne donne rien. Que les 41 radiologues chargés de relire plus de 22 000 mammographies disent: fausse alerte, il n'y a pas de problème. Hélas, ils en ont trouvé un, et de taille. Le radiologiste qui a examiné les trois quarts de ces dossiers est passé à côté de 96 cancers du sein. (Les 13 autres décelés à la relecture sont considérés moins anormaux, car ils proviennent de plusieurs spécialistes et touchent différents types de mammographies).

Dans un monde idéal, toutes les femmes qui acceptent de s'astreindre à cet examen recevraient le bon diagnostic. Mais dans l'état actuel des choses, avec la difficulté de lire les mammographies et l'inévitable erreur humaine, des cancers passent sous le radar. Un pour 1000 mammographies environ. Difficile à encaisser pour celle sur qui ça tombe, mais on ne peut pas crier au scandale. Le Dr Raymond Bergeron, par contre, en a laissé passer presque six fois plus entre 2008 et 2010. Et comme il a effectué presque 18 000 mammographies durant cette période, ça fait beaucoup de femmes qui se sentent aujourd'hui trahies.

Le Collège a présenté une série de recommandations pour éviter qu'une telle horreur se répète ou, au minimum, que les pratiques fautives soient détectées plus tôt. L'association des radiologistes et le ministre de la Santé les endossent. Fort bien. Reste à souhaiter qu'on implante ces nouveaux contrôles rapidement. Évidemment, si le dossier n'avance pas, on aura des explications - financement, technologie, divergences entre les parties, etc. Est-ce trop demander de reléguer pour une fois ces considérations au second plan et de prioriser la santé physique et psychologique des principaux intéressés? On voit le tort qu'un seul médecin a pu causer en deux ans. Retarder les mesures qui s'imposent, c'est ouvrir la porte à d'autres cas. Recevoir un diagnostic de cancer du sein est déjà éprouvant sans avoir à se ronger les sangs à l'idée que les traitements auraient dû commencer beaucoup plus tôt.

Le Dr Bergeron, un septuagénaire, n'avait pas seulement des problèmes à déchiffrer des mammographies. Il travaillait avec un appareil de tomodensitométrie dépassé, a constaté le Collège dans une autre enquête. Il a pris sa retraite, mais le cas est préoccupant. Combien de médecins fonctionnent ainsi en circuit fermé, sans l'influence de collègues ou d'un milieu hospitalier qui les incite à se tenir à jour? On nous promet des mesures pour que les spécialistes de la mammographie reçoivent davantage de rétroaction. La réflexion devrait être élargie à l'ensemble des médecins qui pratiquent dans des conditions similaires. La vigilance des pairs est indispensable, car face à un spécialiste, le patient est bien mal équipé pour jouer les consommateurs avertis.

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