Le ministre de la Santé a choisi la bonne approche en créant un comité d'experts sur les drames familiaux. Mais si l'on veut que ce comité donne des résultats utiles dans le court délai qui lui est imparti, mieux vaudrait qu'il se concentre sur le cas des parents qui attentent à la vie de leurs enfants.

Le mandat du comité annoncé hier par le ministre Bolduc porte sur les homicides intrafamiliaux. Vaste sujet qui inclut les enfants qui tuent leurs parents, les meurtres entre conjoints, et les parents qui enlèvent la vie à leurs enfants. Si tous ces cas de figure sont tragiques, c'est le dernier, en particulier depuis l'affaire Turcotte, pour lequel le besoin d'éclairage public est le plus urgent. Le comité devrait donc en faire sa priorité. D'autant que la commande qui lui a été passée pour le printemps est substantielle.

Le groupe présidé par le professeur Gilles Tremblay, de l'Université Laval, doit d'abord documenter le phénomène. Voilà vraiment un cas où la statistique sera d'utilité publique. Les drames familiaux choquent et laissent une impression durable. Mais peut-on vraiment parler de vague? Ou même dire que le Québec fait en ce moment face à une situation exceptionnelle? Où est-ce seulement l'attention prêtée à ces événements, tant par les médias que par les citoyens, qui les fait paraître plus nombreux qu'ils ne le sont? Seules des données factuelles, compilées sur une période suffisamment longue et comparées avec celles d'autres régions du monde, pourront nous donner l'heure juste.

Le rapport devrait aussi permettre d'aller au-delà de l'anecdotique. Chaque drame familial suscite son lot de commentaires livrés à chaud qui, aussi bien intentionnés soient-ils, nous permettent rarement de comprendre ce qui s'est passé dans la tête du parent meurtrier. Chacune de ces tristes histoires est unique, évidemment. Sauf qu'il y a des détails ou des circonstances qui se répètent, au moins dans une partie des cas. Les chercheurs dans le domaine en sont bien au fait, mais il faut que ces connaissances soient diffusées plus largement, puisque la prévention viendra de l'entourage immédiat - personnel, professionnel ou médical. Mères et pères ont-ils des motifs différents de s'attaquer à leurs enfants? Y a-t-il des contextes ou des signes qui devraient éveiller notre vigilance?

Le comité, enfin, aura à suggérer des moyens concrets pour éviter de telles tragédies. Il y en aura toujours, bien sûr, et les petites vies arrachées feront infiniment plus de bruit que les situations désamorcées à temps. Et comme les meurtres d'enfants par leurs parents sont, malgré tout ce qu'on peut en dire, très rares (une dizaine de cas par an en moyenne dans les années 90 au Québec), les progrès paraîtront, au mieux, modestes. Mais en cette matière, aucun gain ne pourra être qualifié négligeable.

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