Faut-il lever l'anonymat qui protège les donneurs de sperme? Voilà un débat que Québec aurait sans doute préféré éviter. Mais il n'a plus le choix. Si l'État assume les frais de la procréation assistée, il doit aussi assumer les responsabilités qui vont avec.

Les premiers bébés conçus grâce au système public ne sont pas encore nés que déjà, des parents protestent contre le secret entourant l'identité des donneurs. Et ce n'est qu'un début. On l'a entendu ailleurs de personnes issues de paillettes anonymes: ne pas connaître l'origine de la moitié de leur bagage génétique est une source de détresse pour plusieurs. Les critiques rapportées par notre collègue Ariane Lacoursière sont appelées à se multiplier.

La question est d'autant plus légitime que les services sont désormais fournis par l'État. Les attentes en matière de responsabilité sociale sont, à juste titre, plus élevées que lorsque l'insémination était une affaire privée.

Est-il souhaitable d'obliger les donneurs à rendre leur identité accessible? Nous sommes loin d'en être convaincus. Nous croyons toutefois qu'il est urgent d'en discuter.

Le débat devra cependant couvrir tous les aspects du problème. Il ne doit pas se limiter à un défilé d'experts dissertant sur des principes vertueux comme le droit des enfants à savoir d'où ils viennent.

Il faudra écouter ce que les Québécois conçus à l'aide de matériel génétique anonyme ont à dire. En subissent-ils des conséquences négatives? De quelles informations ont-ils absolument besoin? L'historique médical pourrait-il suffire?

Il sera tout aussi important d'entendre des donneurs. Pour savoir s'ils accepteraient d'être fichés, mais aussi où ils se situent dans ce système. Considèrent-ils avoir un quelconque lien avec les enfants conçus à partir de leur matériel reproductif? Qu'est-ce qui a motivé leur don? N'oublions pas que jusqu'en 2004, cette activité était rémunérée au Canada. Et qu'après, le nombre de volontaires a chuté en flèche.

Il faudra aussi évaluer les conséquences d'interdire l'anonymat. Dans les pays ayant fait ce choix, la baisse du nombre de participants n'a été que temporaire, nous dit-on. Le phénomène doit être documenté avec précision. À quoi peut-on s'attendre dans une petite population comme la nôtre? S'il n'y a plus assez de sperme disponible pour répondre à la demande, les patients seront-ils prêts à accepter une réduction, même temporaire, du nombre d'inséminations? Ou réclameront-ils, comme certains le font déjà, que l'État paie (environ 6000$) pour s'approvisionner auprès de banques de donneurs non anonymes à l'extérieur de la province?

Les budgets de la Santé, on le sait, ne suffisent pas aux besoins. C'est pourquoi tant de gens ont protesté lorsque Québec a décidé d'affecter des dizaines de millions de dollars à la procréation assistée. Il serait indécent d'en rajouter davantage.

akrol@lapresse.ca

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