Des petits Honduriens de 10 ans qui vendent de la drogue dans les rues de Vancouver. Des adolescentes canadiennes qu'on fait passer aux États-Unis dans un coffre d'auto pour les vendre à des souteneurs. Des aides familiales exploitées par leur employeur. La traite de personnes, hélas, est un commerce florissant chez nous.

La documentariste Hélène Choquette a plongé sa caméra dans cet univers parallèle. Elle en a ramené des témoignages très dérangeants, que l'on peut voir dans Avenue Zéro, présenté jusqu'au 31 janvier au Cinéma ONF.

 

L'immigration illégale est un grave problème, surtout pour ceux qui en prennent le risque. Obligés de se cacher, ne parlant ni l'anglais ni le français, ils sont à la merci des réseaux qui les font entrer au Canada. Ceux-ci exploitent leur force de travail ou, très souvent, leur corps.

L'ONU estime que 90% des victimes de la traite de personne dans le monde sont des femmes et des enfants exploités à des fins sexuelles, note le documentaire. C'est l'un des seuls chiffres cités, avec le nombre de Canadiens récemment reconnus coupables de ce crime - quatre! Le trafic humain est difficile à cerner. Les victimes refusent souvent de témoigner par peur des représailles ou, dans le cas des aides familiales, par crainte de perdre leur permis de travail.

Ces pratiques esclavagistes ne ciblent pas que les étrangers. À Montréal, les rabatteurs rôdent autour des foyers de groupe et des stations de métro. Ils gagnent la confiance de fillettes aussi jeunes que 12 ans, pour la trahir aussitôt. Si les adolescentes asiatiques sont forcées de se prostituer pour rembourser leurs passeurs, celles qui sont nées ici tombent dans le piège pour d'autres raisons. Leur souteneur est souvent la première personne à leur accorder de l'attention. Misère économique, misère affective, mêmes proies faciles.

La police fait ce qu'elle peut pour sortir les victimes de leur enfer, mais les enquêtes sont compliquées. Et les trafiquants tirent avantage des programmes d'immigration - dont l'obligation faite aux aides familiales d'habiter chez leur employeur. Un ex-président du Conseil canadien pour les réfugiés parle de nos responsabilités légales comme société, particulièrement à l'égard des mineurs. On se sent interpellé, mais bien impuissant.

Reste les clients, grands absents de ce documentaire. À quoi pense celui qui se paie les services sexuels d'une autochtone de 12 ans logée chez une vieille dame? D'une Coréenne de 13 ou 14 ans enfermée dans un salon de massage? D'une Québécoise de 15 ans dans un motel de la rue Saint-Jacques Ouest? Qu'elle est là de son plein gré?

Avenue Zéro sera également présenté à RDI le 19 avril. Souhaitons qu'il soit vu par le plus grand nombre. La traite des personnes se déroule dans un univers parallèle, mais elle se nourrit de l'argent des Canadiens. Ceux qui participent à un tel commerce doivent prendre conscience de ses effets sur les victimes.

akrol@lapresse.ca

 

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