Et ce qui devait arriver... arriva. Le scandale de la viande Maple Leaf contaminée à la listeria, qui a tué 22 personnes l'été dernier, n'est pas survenu par hasard. C'est le résultat d'un système de contrôle et de prévention déficient à presque tous les égards, révèle le rapport d'enquête indépendant dévoilé hier à Ottawa.

La page couverture du document aurait dû porter un sous-titre: les procédures ne peuvent rien en soi. L'enquêteur Sheila Weatherill ne l'écrit pas en toutes lettres, mais c'est une évidence qui saute aux yeux à la lecture de son rapport. Une évidence que les fabricants alimentaires et les autorités chargées de les surveiller feraient bien de garder à l'esprit. Changer les façons de faire n'est qu'une première étape. Ensuite, il faut demeurer en alerte. Autrement, on nourrit un sentiment de fausse sécurité presque aussi dangereux que la négligence elle-même.

 

C'est exactement ce qui s'est passé l'été dernier. Maple Leaf était convaincue d'avoir un excellent système de prévention. Son programme était plus exigeant que celui du gouvernement fédéral, et ce, depuis plusieurs années. Sauf que son application était loin d'être optimale. La bactérie listria avait été détectée à plusieurs reprises dans l'année précédant le drame mais, chaque fois, le personnel avait appliqué des mesures ponctuelles, sans réaliser que ce problème récurrent en cachait un plus grave. Et comme Maple Leaf avait une confiance absolue dans la salubrité de son usine, elle n'a pas pris de précautions particulières lorsqu'elle a réduit la quantité de sel dans les charcuteries - un geste réputé pour augmenter les risques de croissance des bactéries.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments avait, elle aussi, pleinement confiance dans son nouveau Système de vérification de la conformité, considéré comme plus efficace. Mais certaines interventions, qui auraient pu aider à détecter le problème chez Maple Leaf, n'étaient pas prévues dans ce programme. De plus, les inspecteurs n'étaient pas bien formés et n'étaient probablement pas assez nombreux. Le fameux système n'était donc pas appliqué intégralement.

Les problèmes de communication et de coordination entre les différents ministères et ordres de gouvernement ont déjà été dénoncés. Un exemple révélateur: une grande partie des fonctionnaires qui ont participé à cette opération ignoraient l'existence du Guide d'interventions lors d'éclosions d'intoxication alimentaire... qui avait été adopté quatre ans plus tôt en prévision de ce genre de crise.

Rappelons enfin que 54 des 57 personnes qui ont souffert de listériose étaient des gens âgés vivant dans des hôpitaux ou des centres de soins prolongés. Les établissements ont tenu pour acquis que ces aliments étaient sûrs, sans prendre les précautions qui s'imposent pour ces clientèles vulnérables - notamment, réchauffer les viandes jusqu'à ce qu'elles soient fumantes.

Le ministre de l'Agriculture assure que des changements ont été faits et qu'il pourrait y en avoir d'autres. Ce n'est pas suffisant. Ottawa doit faire un suivi serré et rendre compte, dans six mois ou un an, des améliorations concrètes apportées sur le terrain. On ne va quand même pas attendre la prochaine éclosion de listériose pour vérifier si les recommandations ont été suivies!

 

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