Vingt morts, des dizaines de personnes gravement malades: la crise déclenchée l'été dernier par des viandes Maple Leaf contaminées à la bactérie Listeria est l'un des plus graves cas d'intoxication alimentaire jamais recensé au Canada. Et de toute évidence, les pouvoirs publics ont eu de la difficulté à coordonner leurs efforts pour la combattre.

«Les rôles et les responsabilités aux échelons fédéral, provincial et local ne sont pas définis de façons assez précise», résume sobrement le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario dans son rapport publié la semaine dernière. Sa province était au coeur de l'éclosion. Le problème s'est déclaré dans une usine torontoise et les trois quarts des victimes qui ont succombé à la listériose étaient des Ontariens. Pourtant, quand le ministère de la Santé ontarien a demandé où avaient été distribuées les viandes suspectes, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) n'a pas fourni l'information, déplore le médecin.

 

Au début, on croyait que seuls les foyers de soins de longue durée, les hôpitaux et les maisons de retraite avaient reçu ces produits. On a fini par s'apercevoir qu'il y en avait aussi dans des restaurants, des charcuteries et d'autres commerces. «S'ils avaient eu accès à ces renseignements en temps opportun, les responsables de la santé publique auraient pu prendre des mesures pour réduire l'exposition possible du grand public», souligne le rapport ontarien.

Les post-mortem de l'ACIA et de Santé Canada sont plus longs et rédigés dans un style plus bureaucratique. Cependant, il est clair que tout n'a pas été comme sur des roulettes. Le rapport de Santé Canada évoque des «zones grises» par rapport aux responsabilités des différents organismes fédéraux impliqués. Les communications, autant internes qu'externes, étaient parfois ardues. Des pièces jointes envoyées par l'ACIA n'arrivaient pas à franchir le système de courriel de Santé Canada. Des employés de l'ACIA ont dû retranscrire des informations cruciales parce que le format dans lequel Maple Leaf les avait fournies n'était pas lisible. Et les journalistes qui ont suivi l'affaire peuvent en témoigner: les réponses n'étaient pas toujours faciles à obtenir. C'est ainsi que le syndicat des inspecteurs en salubrité alimentaire a réussi à devenir un interlocuteur important dans cette histoire.

Il est par ailleurs étonnant que la chronologie des événements, qui fait une douzaine de pages, soit identique dans la version anglaise des rapports de l'ACIA et de Santé Canada, mais diffère sur une foule de détails en français. A-t-on commandé deux traductions du même document? On ne nous a pas répondu hier. Apparemment, la communication entre ces deux entités n'est pas encore parfaitement au point...

Y aurait-il eu moins de cas de listériose, et de décès, si la machine gouvernementale avait été mieux huilée? Rien ne permet de l'affirmer. Mais il n'y a pas de risque à prendre pour l'avenir. Le partage de l'information est un facteur déterminant dans une situation d'urgence comme celle-là.

Des correctifs ont déjà été apportés, indiquent les rapports. Espérons qu'il s'agisse de réels changements, et non de belles paroles. Car la bactérie Listeria, elle, ne se laissera pas abuser.

akrol@lapresse.ca

 

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