À l'été 1992, une prof de l'Université Laval rencontre un nouveau conseiller en placements. Perséphone Canonne a 60 ans et veut des investissements sûrs, car elle prendra bientôt sa retraite. Le courtier de la Financière Banque Nationale ne l'écoute pas et investit massivement dans les télécoms. En 11 ans, elle perdra plus de 120 000$ de rendement. Une somme que le courtier et sa firme devront rembourser, vient de confirmer la Cour d'appel.

Des histoires comme celle-là, on va en entendre beaucoup avec l'effondrement des marchés. Les épargnants qui voient leurs économies s'évaporer ne sont pas tous des victimes, loin de là. La plupart ont pris des risques en toute connaissance de cause, dans l'espoir d'un meilleur rendement. Mais certains vont réaliser que leur portefeuille est beaucoup plus hasardeux qu'ils ne le souhaitaient. Et malheureusement, il faut beaucoup de temps et de détermination pour obtenir justice.La méconnaissance du client et le non-respect de ses volontés reviennent constamment dans les causes gagnées par les investisseurs ces dernières années. Le courtier de Mme Cannone avait rempli, à une semaine d'intervalle, deux fiches clients indiquant deux profils différents. Des informations inutiles puisque contradictoires. En août dernier, la Cour supérieure a ordonné à la Financière Banque Nationale de rembourser plus de 75 000$ à une famille qui avait été mal conseillée par un autre de ses courtiers.

Le cas Laflamme, qui s'est rendu jusqu'en Cour suprême, était pourtant clair. L'entrepreneur Armand Laflamme avait près de 60 ans lorsqu'il a vendu son entreprise. Le produit de la vente, c'était son fonds de retraite. Et comme il avait une quatrième année primaire et qu'il ne connaissait rien à la Bourse, il est allé voir un courtier... qui n'a absolument pas tenu compte de son profil. En plus de lui bâtir un portefeuille spéculatif et insuffisamment diversifié, il lui a ouvert un compte sur marge à son insu! M. Laflamme a mis 10 ans à récupérer son argent.

Ce jugement phare a été rendu en 2000. On aurait pensé que les conseillers avaient compris le message. Hélas! certains font encore preuve de beaucoup de désinvolture. Souvenez-vous de l'enquête publiée par Protégez-Vous l'an dernier. Sur les 39 représentants rencontrés, 25 n'ont dressé qu'un portrait partiel du client-mystère. Plusieurs ont ainsi omis de lui demander s'il travaillait, avait des placements, des dettes ou des personnes à charge. Un sur cinq n'a même pas effleuré le sujet de la tolérance au risque. Des informations pourtant élémentaires, et déterminantes dans une stratégie d'investissement.

Ce manque de rigueur est d'autant plus injustifiable qu'il existe des outils simples pour recueillir ces renseignements. L'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (connu sous l'acronyme ACCOVAM) propose sur son site un formulaire simplissime qui fait le tour de la question en une page. Même si certains clients considèrent qu'il s'agit de paperasses dont il faut se débarrasser au plus vite, les conseilleurs ne devraient jamais bâcler cette étape.

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