Sur papier, étendre la maternelle à tous les enfants de 4 ans au cours des prochaines années est une idée audacieuse et bien intentionnée.

L'objectif est de « dépister plus tôt d'éventuels troubles d'apprentissage chez les jeunes enfants et de leur offrir des services de soutien », explique la CAQ. Comme le souligne l'expert Égide Royer depuis longtemps, la maternelle dès l'âge de 4 ans est notamment un très bon moyen de lutter contre le décrochage.

L'Ontario l'a fait. Ce n'est pas une lubie. C'est possible. Mais ce n'est pas le seul moyen. Et ce n'est pas nécessairement le meilleur.

Le Québec, est-il besoin de le rappeler, n'est pas l'Ontario. La grande différence : nous disposons ici d'un réseau qui a fait ses preuves : celui des centres de la petite enfance.

La CAQ a visiblement préféré ne pas en tenir compte. C'est la raison principale pour laquelle sa proposition ne convainc pas entièrement.

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La qualité des services éducatifs offerts dans les CPE est généralement très bonne. Mais il y a toutefois deux problèmes de taille. On comprend que le parti de François Legault, avec sa promesse, cherche à y remédier.

Premièrement, il n'y a que 27 % des jeunes âgés de 4 ans qui ont accès au réseau. C'est trop peu. La qualité est réservée à une minorité.

Deuxièmement, on ne retrouve pas, dans les CPE, un assez grand nombre d'enfants défavorisés. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on a commencé à développer, depuis le succès d'un projet pilote en 2009, un certain nombre de classes de maternelle 4 ans au Québec. L'objectif est d'offrir aux jeunes les plus vulnérables un endroit où on les aidera à développer leur plein potentiel.

Notons toutefois que cette initiative, sous sa forme actuelle, est conçue pour être complémentaire aux services de garde. Et comme l'a souligné une recherche menée par la professeure de l'UQAM Christa Japel et son équipe, elle n'a pas encore fait ses preuves. La qualité n'est pas nécessairement au rendez-vous dans ces classes de maternelle, contrairement à ce qu'on constate dans les CPE.

La prudence est de mise, donc. En matière d'investissements en petite enfance, le mieux peut être l'ennemi du bien.

D'autant plus que la CAQ fait face à un double défi. Le milieu scolaire manque actuellement de classes et d'enseignants. Ce ne sera certes pas un jeu d'enfant.

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À l'opposé, le Parti québécois propose un investissement massif dans les CPE : 21 000 nouvelles places, en plus d'un programme de conversion des places en garderie privée. Consolider plutôt que réinventer. Comme quoi on peut être ambitieux et prudent à la fois. La maternelle 4 ans demeurerait donc complémentaire. On ne précise toutefois pas si on développera d'autres classes en milieu défavorisé ou si on optera pour le statu quo. On aimerait le savoir.

Le Parti libéral est hélas moins ambitieux que la CAQ, le PQ et, bien sûr, que Québec solidaire, ce dernier faisant le souhait utopique de créer « toutes les places nécessaires » en CPE et d'offrir la gratuité « du centre de la petite enfance au doctorat ».

Il faut dire que ces dernières années - exception faite de la fin du mandat de Philippe Couillard, où Sébastien Proulx a trimé pour redonner au ministère de l'Éducation ses lettres de noblesse - , le PLQ a fait preuve d'une nonchalance certaine quant aux services éducatifs à la petite enfance. Après avoir freiné le développement des CPE, le parti a récemment décidé d'y ajouter plus de places. Mais s'il améliore le réseau, il le fait encore avec réticence. Soulignons néanmoins une promesse novatrice : la gratuité pour tous les enfants de 4 ans, que ce soit en milieu scolaire ou en service de garde.

On s'en voudrait de terminer ce texte sans faire un ultime constat : il y a quelque chose de réjouissant à voir que tous les partis sont en train de débattre avec sérieux des services éducatifs pour les plus jeunes - et particulièrement les plus vulnérables. Ça, même les plus cyniques le reconnaîtront.

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