Même en Suède?

L'intolérance et la xénophobie peuvent-elles vraiment faire recette dans un pays qui a donné son nom au modèle qui fait rimer État-providence et économie en croissance?

Réponse ferme et brutale : oui! Les élections législatives qui ont eu lieu dans ce pays dimanche ont démontré qu'il n'y a pas d'exception suédoise. Ce pays scandinave n'est pas, lui non plus, immunisé contre la radicalisation et la montée de l'extrême droite.

Les Démocrates de Suède, parti anti-immigration dont les origines remontent au mouvement néonazi, ont terminé troisièmes lors du scrutin. Près d'un Suédois sur cinq (17,6%, selon des résultats préliminaires) a voté pour cette formation politique, ce qui a permis à son chef de dire qu'il allait «exercer une véritable influence sur la politique suédoise».

Comme l'Allemagne, la Suède a été submergée par une vague de migrants en 2015. Cette année-là, le pays de près de 10 millions d'habitants a reçu plus de 160 000 demandeurs d'asile. Toutes proportions gardées, les Suédois ont été plus accueillants que les Allemands - l'électorat a d'ailleurs fait comprendre à la chancelière Angela Merkel qu'elle avait tout intérêt à ne plus se montrer aussi généreuse à l'avenir.

Pour comprendre l'ampleur de cet afflux, qui a semble-t-il pris les politiciens suédois de court, comparons ces chiffres avec ceux du Québec. L'an dernier, 24 780 demandeurs d'asile ont été accueillis ici, alors qu'il s'agissait également d'une année record. C'est environ six fois moins qu'en Suède en 2015. Et la population totale de ce pays scandinave n'est que légèrement supérieure à celle de Québec.

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Cela dit, si les experts estiment que l'afflux de migrants et les ratés quant à sa gestion par le gouvernement suédois a eu un impact sur le scrutin, certains pensent que la montée de l'extrême droite n'est pas liée uniquement à ce phénomène.

On remarque depuis plusieurs années qu'en Suède comme ailleurs dans le monde occidental, «il semble plus facile de mobiliser les électeurs autour d'idées comme l'identité ou l'immigration», a expliqué l'universitaire Christer Mattsson à notre journaliste Jean-Christophe Laurence lors de son reportage en Suède avant les élections.

La crise migratoire en Europe a évidemment accentué la portée des discours anti-immigration ces dernières années. Développement non négligeable : des alliances commencent même à prendre forme entre les politiciens qui tiennent un discours radical en la matière.

À la fin du mois dernier, le dirigeant autoritaire de la Hongrie Viktor Orban a été reçu par le ministre de l'Intérieur italien et leader de l'extrême droite dans ce pays, Matteo Salvini. Le premier a dit du deuxième qu'il était son «héros». Et d'une seule voix, ils ont accusé le président français, Emmanuel Macron, d'être «à la tête des forces politiques soutenant l'immigration» en Europe.

Ravie, la politicienne française Marine Le Pen a par la suite affirmé que cette rencontre entre ces deux représentants de la droite radicale en Europe était «fondatrice».

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De l'Italie à la Suède, en passant par la Hongrie et l'Autriche, ce ne sont plus à de simples débats sur l'immigration qu'on assiste, mais à une radicalisation préoccupante des discours à l'égard des migrants.

Et ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est que la radicalisation observée en Europe est liée de très près au populisme et à la lutte contre la démocratie. On le constate clairement en Hongrie et en Pologne, par exemple.

Le président Macron, pris pour cible, a répliqué récemment en disant ne rien vouloir céder «aux nationalistes et à ceux qui prônent le discours de haine». Il souhaite orchestrer la réplique des «progressistes» en Europe. En toute lucidité, il a prédit que le combat sera «long» et «difficile». Cela ne fait, hélas, pas l'ombre d'un doute.

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Les Démocrates de Suède en hausse

Élections de 2018 : 17,6% des suffrages

Élections de 2014 : 12,9% des suffrages

Source : Agence France-Presse

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