Il n'y a pas que la gestion de l'offre qui irrite les Américains dans le cadre des négociations sur le renouvellement de l'ALENA. Washington cherche ces jours-ci à pulvériser le mécanisme de règlement des différends commerciaux utilisé dans le cadre de l'accord. C'est tout sauf une bonne nouvelle.

C'est le chapitre 19 de l'Accord de libre-échange nord-américain qui porte sur ce mécanisme. Il est crucial. Justin Trudeau a d'ailleurs trouvé une bonne façon de le démontrer cette semaine.

Ce chapitre « garantit le respect des règles », a expliqué le premier ministre. Or, aux États-Unis, « nous avons un président qui ne suit pas toujours les règles ». C'est... un euphémisme ! La seule règle à laquelle semble croire Donald Trump, c'est la loi du plus fort ! En matière de commerce international, lui faire confiance ne serait pas seulement naïf, ce serait insensé !

Les déclarations de Justin Trudeau peuvent étonner parce qu'on aurait cru qu'il filerait doux et continuerait à tenter d'amadouer le président américain alors que les négociations sont hautement délicates depuis que le Mexique s'est entendu avec Washington.

Mais cette fermeté, dans les circonstances actuelles, est la bienvenue. Courber l'échine devant Donald Trump serait humiliant.

Le président américain aurait affirmé, la semaine dernière, qu'il ne ferait aucun compromis lors des pourparlers avec le Canada, mais qu'il ne voulait pas le dire publiquement. « Ce serait tellement insultant qu'ils seraient incapables de conclure une entente », a-t-il dit au sujet du gouvernement canadien. Ses déclarations ne devaient pas être publiées, mais le Toronto Star a décidé de les diffuser.

***

Les propos de Justin Trudeau sur le chapitre 19 de l'ALENA sont également rassurants parce qu'il est utile de déterminer ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas pour le Canada au sujet du renouvellement de l'accord commercial.

Tant les Canadiens que l'entourage de Donald Trump devraient pouvoir savoir, dans les grandes lignes, à quoi s'en tenir.

Le premier ministre canadien, après tout, répète depuis un certain temps que l'échec des négociations est préférable à une « mauvaise entente ». Préciser ce qui serait bon et mauvais pour le pays et pour ces citoyens ne peut pas nuire.

***

Donald Trump n'est bien sûr pas la raison pour laquelle Ottawa a insisté, à la fin des années 80, pour inclure un mécanisme de règlement des différends commerciaux à l'entente commerciale entre le Canada et les États-Unis.

À l'époque, Ottawa voulait éviter de s'en remettre au système américain en cas de litige. Pour « établir des conditions justes et prévisibles », on a décidé que des groupes spéciaux binationaux seraient formés pour examiner les problèmes potentiels au sujet des mesures antidumping et des droits compensateurs. C'est ça, le mécanisme : des panels qui doivent trancher les litiges. Ils l'ont fait plus d'une centaine de fois depuis la fin des années 80.

Cette solution n'est pas à toute épreuve. Mais il s'agit, selon les experts en commerce international, d'une solide police d'assurance.

Dans le cadre des pourparlers en cours, les négociateurs canadiens ont tout avantage, sur cet enjeu comme sur d'autres, à faire preuve de flexibilité. Si certains ajustements sont jugés essentiels par Washington, eh bien soit ! Comme le Mexique a (hélas) déjà consenti à laisser tomber le chapitre 19, la ligne dure sera difficile à tenir pour le Canada dans ce dossier.

Cela dit, avec Donald Trump et les protectionnistes qui l'entourent à la Maison-Blanche, ça saute maintenant aux yeux : la survie d'un tel mécanisme de règlement des différends est primordiale.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion