Cela fera bientôt six ans que Raif Badawi est détenu en Arabie saoudite et, malheureusement, rien n'indique que son calvaire tire à sa fin.

Rien n'indique, non plus, que le gouvernement fédéral en fait assez pour obtenir la libération prochaine de ce blogueur, qui a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison simplement pour avoir osé exprimer son opinion sur des sujets comme l'extrémisme religieux et les droits des femmes (l'Arabie saoudite est l'un des pires pays du monde dans les deux cas).

Ottawa devrait de toute urgence se poser la question : qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus ? Ça tombe bien, une réponse existe déjà.

Elle vient d'être offerte par la femme de Raif Badawi, Ensaf Haidar. Pourquoi le Canada n'accorderait-il pas la citoyenneté honoraire à celui qui est devenu, au fil des ans, l'un des plus célèbres prisonniers d'opinion du monde ?

Ce n'est pas une idée saugrenue. Au contraire. C'est une avenue qui mérite d'être explorée rapidement. Le NPD et le Bloc québécois l'ont compris, d'ailleurs. Ils ont donné cette semaine leur appui à cette démarche.

Le Parti libéral, hélas, ne semble pas très enthousiaste. Pourtant, s'il dressait la liste des avantages et des inconvénients potentiels, il se rendrait compte du bien-fondé d'une telle initiative.

L'attribution de ce titre ne serait pas nécessairement un atout pour le Canada face à l'Arabie saoudite. Raif Badawi est un citoyen saoudien et il le demeurerait. Mais si rien ne prouve que cela faciliterait sa libération, rien n'indique, non plus, que l'impact serait nul.

Ce serait à la fois un geste symbolique important et une façon pour le Canada de maintenir la pression sur le régime saoudien dans ce dossier. 

Car même si on affirme à Ottawa qu'on soulève la question aussi souvent que possible avec les Saoudiens, il reste que rien ne change. C'est extrêmement frustrant.

Un tel geste prouverait aussi à la famille de Raif Badawi et à ceux qui se préoccupent de son sort que le gouvernement fédéral continue d'en faire une priorité. On n'a pas l'impression, actuellement, que le Canada est prêt à se battre avec assez d'aplomb pour le faire libérer.

Il n'a reçu que 50 des 1000 coups de fouet anticipés et il faut s'en féliciter. Mais il n'y a pas eu d'autre développement positif ces dernières années.

La citoyenneté honoraire n'est pas quelque chose qu'on offre à la légère, c'est évident. Depuis 1985, seulement six personnalités internationales y ont eu droit. Mais même si Raif Badawi n'est pas Nelson Mandela, la mobilisation pour sa libération a été telle qu'il est probablement le prisonnier d'opinion le plus connu d'un bout à l'autre du Canada.

Il est devenu un symbole de la liberté d'opinion et d'expression. Et son cas nous touche tout particulièrement parce que sa famille habite Sherbrooke.

S'il y a d'autres moyens de faire avancer son dossier, tant mieux. On souhaite que le Canada fasse preuve d'innovation et de créativité afin de le faire libérer au plus vite. Mais pour l'instant, le gouvernement ne semble pas avoir de solution de rechange. Alors, pourquoi ne pas faire de Raif Badawi un citoyen honoraire rapidement ?

Ceux qui ont reçu la citoyenneté canadienne honoraire

1. Raoul Wallenberg, diplomate suédois qui s'est illustré par ses actions durant l'Holocauste 1985

2. Nelson Mandela, activiste antiapartheid et ancien président d'Afrique du Sud 2001

3. Tenzin Gyatso, actuel dalaï-lama 2006

4. Aung San Suu Kyi, emprisonnée pour avoir soutenu la démocratie en Birmanie et lauréate du prix Nobel 2007

5. Aga Khan, imam des 15 millions de musulmans Shia Ismali 2010

6. Malala Yousafzai, militante et lauréate du prix Nobel 2017

Source: Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

PHOTO PAUL MCERLANE, ARCHIVES REUTERS

Nelson Mandela

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