Chaque fois que le gouvernement canadien évoque son retour au sein des opérations de paix de l'ONU, on a l'impression qu'il est en crise d'adolescence.

On sent qu'il ne sait pas vraiment ce qu'il veut. On se dit qu'il ne l'a jamais vraiment su, d'ailleurs. On se demande, par exemple, de quelle façon il souhaite contribuer aux opérations de paix. Sujet encore plus délicat: où envisage-t-il le déploiement de troupes canadiennes ?

Par ailleurs, lorsque le gouvernement canadien finit - péniblement  - par prendre une décision, il a un mal fou à s'exprimer. Il n'arrive pas à communiquer clairement ce qu'il a choisi de faire.

Il en a fait la preuve une fois de plus cette semaine en annonçant qu'il va participer à la mission de l'ONU au Mali (la MINUSMA). Il y avait eu tant de tergiversations à Ottawa l'an dernier au sujet d'une éventuelle participation à cette mission qu'on pensait que l'idée avait été écartée.

Mais non ! Lundi, ô surprise, le ministre de la Défense Harjit Sajjan et la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland en ont fait l'annonce ! On s'apprête à expédier une force opérationnelle au Mali incluant deux hélicoptères Chinook de transport et de logistique et quatre hélicoptères Griffon.

La date du déploiement et le nombre de soldats canadiens n'ont pas été déterminés, mais on présume qu'il devrait y en avoir environ 200. M. Sajjan et Mme Freeland ont brièvement et évasivement répondu à quelques questions à ce sujet à l'extérieur de la Chambre des communes avant de tourner les talons. Comme s'il y avait un malaise.

Cette attitude est aussi futile que contre-productive.

C'est vrai, le grand retour du Canada dans les opérations de paix est plus modeste que ce qui avait été évoqué jadis par les libéraux. Certains estimaient même l'an dernier que le Canada pourrait prendre la tête d'une mission. On est bien loin du compte.

C'est vrai, aussi, la mission au Mali est risquée et complexe. Elle est actuellement la plus dangereuse de toutes les opérations de paix de l'ONU, avec plus de 160 morts depuis 2013.

Par ailleurs, elle doit tenter de stabiliser le pays alors qu'une opération antiterroriste (Barkhane, dirigée par la France) est aussi à l'oeuvre sur le terrain. Ce n'est pas évident.

Enfin, il est également vrai qu'on peut se poser des questions sur l'impact véritable qu'aura, dans le cadre de cette force opérationnelle, le fort contingent de femmes Casques bleus annoncé par Ottawa.

Ces questions sont légitimes. Mais elles n'atténuent pas l'importance pour le Canada de renouer avec les opérations de paix. Elles ne remettent pas non plus en question le bien-fondé de la participation à la mission au Mali. Les efforts pour stabiliser ce pays sont cruciaux et les alliés du Canada comptent sur sa contribution, si minime soit-elle.

Alors serait-ce trop demander aux principaux acteurs du gouvernement impliqués dans ce processus décisionnel de cesser cette valse-hésitation malsaine ?

L'heure est venue pour eux de s'expliquer longuement et clairement. D'offrir des détails sur leurs initiatives et sur leurs objectifs.

Le Parti conservateur a tort de s'opposer au déploiement de Casques bleus, défendant ainsi de façon inexplicable la stratégie maladroite de Stephen Harper sur la scène internationale. Mais la formation politique d'Andrew Scheer a raison, tout comme le NPD, de réclamer un débat substantiel au Parlement.

Il faut souhaiter qu'à l'issue de ce débat, la vision du gouvernement libéral soit plus claire quant au réengagement du Canada dans les opérations de paix et, plus spécifiquement, quant au rôle que joueront au Mali les Casques bleus canadiens.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, ont annoncé, lundi à la Chambre des communes, la participation du Canada à la mission de paix de l'ONU.

Opération de paix de l'ONU au Mali

Effectifs déployés : 15 044

• 1351 membres du personnel civil

• 11 351 militaires

• 31 observateurs militaires

• 1741 policiers

• 409 officiers d'état-major

• 161 volontaires des Nations Unies

Les dix principaux pays sur le terrain

• Burkina Faso : 1723

• Tchad : 1448

• Bangladesh : 1395

• Sénégal : 1056

• Togo : 939

• Guinée : 863

• Niger : 863

• Allemagne : 559

• Chine : 403

• Égypte : 337

Source : Nations unies, février 2018

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