On a fait grand cas ces derniers jours des multiples tenues traditionnelles revêtues par Justin Trudeau en Inde. Ce n'était certes pas nécessaire d'en faire autant : il est le premier ministre canadien, pas un acteur de Bollywood. Mais ce n'est pas ce qui agace le plus avec ce voyage.

Ce qui est véritablement fâcheux, c'est que cette mission cruciale a démarré sur de mauvaises bases. Et qu'elle pourrait ne pas connaître le succès espéré. Ça, ce serait déplorable.

Des médias indiens ont affirmé que les élus du pays ont snobé la délégation canadienne. D'abord, le premier ministre indien Narendra Modi ne s'est pas déplacé à l'aéroport pour accueillir Justin Trudeau à son arrivée. C'est le ministre d'État à l'Agriculture du pays qui y était.

Seul, ce détail n'aurait peut-être pas été significatif. Après tout, Narendra Modi menait au même moment d'importants pourparlers avec le président iranien Hassan Rohani. Mais d'autres indices démontrent que Justin Trudeau n'est pas accueilli avec un élan d'enthousiasme.

En premier lieu, la controverse alimentée par des élus indiens, qui soutiennent que des ministres canadiens ont des atomes crochus avec le mouvement indépendantiste sikh. L'un de ces élus, le dirigeant de l'État indien du Pendjab, avait refusé de rencontrer le ministre canadien de la Défense Harjit Sajjan l'an dernier pour cette raison.

Justin Tudeau a tenté de crever l'abcès hier. Il a rencontré le dirigeant indien du Pendjab, ajoutant cette visite à son itinéraire alors qu'elle n'était pas prévue initialement. Et il a répété qu'il était en faveur d'une Inde unie. C'était très certainement la chose à faire.

Mais on peut se poser la question : la préparation de ce voyage a-t-elle été bâclée ? Les irritants auraient dû être évacués avant même que l'avion du premier ministre ne se pose sur le sol indien.

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Tout ça ne veut pas dire que ce voyage est inutile. On a déjà annoncé des investissements de 250 millions de dollars au Canada par des entreprises indiennes. Des milliers d'emplois seront créés, selon Ottawa. Des investissements canadiens en Inde ont aussi été garantis.

Mais ce voyage - qui n'est pas encore terminé - pourrait être encore plus utile. Il devrait servir à faire avancer l'idée d'un accord commercial entre les deux pays.

La relation économique entre l'Inde et le Canada peut malheureusement être qualifiée de « sous-développée », soulignait un rapport de l'Institut de recherche en politiques publiques publié juste avant l'arrivée au pouvoir de Justin Trudeau. Depuis, rien n'a vraiment changé.

C'est aberrant puisque le Canada cherche à diversifier ses liens commerciaux et que l'Inde est un marché émergent en pleine modernisation, dont la croissance est vigoureuse. C'est aussi un partenaire idéal. Entre autres parce que c'est un État fédéral (plus facile, donc, pour les provinces canadiennes d'y tisser des liens) où l'on utilise l'anglais, doté de « cadres juridiques similaires » à ceux du Canada et d'« institutions politiques démocratiques ». En tirer profit tombe sous le sens.

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On connaît le dicton : l'habit ne fait pas le moine. On ne doit pas juger les gens sur leur apparence. Les vêtements revêtus par Justin Trudeau en Inde donnent de très belles photos, qui seront forcément rentables dans certaines circonscriptions lors de la prochaine campagne électorale.

En revanche, c'est plutôt sur les résultats obtenus à l'issue de cette visite qu'il faudra juger le premier ministre et son entourage. Pas sûr, pour l'instant, qu'ils obtiendront la note de passage.

L'objectif

• 15 milliards de dollars: c'est la valeur des échanges commerciaux entre le Canada et l'Inde que le premier ministre Stephen Harper avait (en 2012) dit vouloir atteindre « d'ici 2015 ».

Le résultat

• 8 milliards de dollars: c'est la valeur des échanges commerciaux entre le Canada et l'Inde, en date de 2016.

Sources : Innovation, Sciences et Développement économique Canada et La Presse canadienne

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