Le président des Philippines a récemment dit qu'il donnait l'ordre aux soldats de son pays de «tirer dans le vagin» des femmes qui font partie de la guérilla.

La déclaration est immonde. Par contre, elle n'a surpris personne. Ce président, Rodrigo Duterte, est un leader brutal et sans scrupule. La Cour pénale internationale vient même d'annoncer qu'elle se penche sur des allégations de crimes contre l'humanité commis dans le cadre de sa «guerre contre la drogue».

À peu près au même moment, on a appris que le Canada était en train de se préparer à livrer 16 hélicoptères à ce despote. C'est à la fois absurde et grotesque.

Le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a pris la bonne décision en affirmant rapidement qu'Ottawa allait réévaluer cette entente. Dans la foulée, les Philippines ont annoncé qu'elles ne voulaient plus de ces hélicoptères. Tant mieux.

Mais cette nouvelle controverse s'ajoute à celle provoquée par la vente de blindés à l'Arabie saoudite. Deux exemples qui nous rappellent à quel point l'encadrement des exportations de matériel militaire par Ottawa est déficient. Un ménage s'impose.

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Ce sont des lignes directrices qui guident actuellement les décisions d'Ottawa en la matière. Sur papier, les objectifs sont exemplaires. On souligne d'abord que la politique étrangère du Canada place «le maintien de la paix et de la sécurité» au coeur de ses objectifs. On dit ensuite vouloir «veiller à ce que les exportations» d'armes «ne nuisent pas à la paix, à la sécurité ou à la stabilité» ailleurs dans le monde.

C'est la seule attitude digne d'une démocratie occidentale comme la nôtre.

Vendre des armes en se souciant de ce qu'en feront ceux qui les achètent, ce n'est pas faire preuve d'un moralisme rigide. Cela va de soi!

Évaluer les conséquences de nos décisions dans ce domaine est essentiel. Il y a une différence entre exporter des céréales, du porc ou de l'aluminium, par exemple, et vendre des armes.

D'autant plus que le Canada n'est pas un acteur marginal sur ce marché lucratif. Le pays a vendu pour 717,7 millions de dollars d'équipement militaire en 2016, en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Et cette somme ne comprend pas les armes et technologies vendues aux États-Unis, notre principal acheteur. Un accord particulier a été conclu avec ce pays : une licence n'est généralement pas nécessaire pour y exporter des armes.

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La bonne nouvelle, c'est que le Canada est en train de revoir l'encadrement des ventes de marchandises militaires : un projet de loi est actuellement à l'étude à Ottawa. L'intention est de se conformer au Traité international sur le commerce des armes, en vigueur depuis 2014. Un traité qui avait été boudé par le gouvernement de Stephen Harper.

La mauvaise nouvelle, c'est que le projet de loi actuel est bancal. Divers organismes en faveur d'un meilleur encadrement, dont Amnistie internationale et Project Ploughshares, en ont déploré la timidité. Entre autres parce qu'il serait encore possible pour un ministre des Affaires étrangères, même après l'adoption de cette législation, d'autoriser la vente d'armes à un pays où les droits de la personne sont bafoués.

Ça relève à la fois de la fourberie et de l'illogisme. À quoi servirait, alors, ce grand ménage si c'est pour revenir à la case départ?

Il y a une dizaine de jours, la ministre actuelle des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a laissé entendre qu'elle pourrait modifier le projet de loi. C'est souhaitable.

Car si le Canada adhérait au Traité international sur le commerce des armes tout en se réservant le droit de vendre de l'équipement militaire à des régimes brutaux et oppresseurs, l'hypocrisie de la réforme pilotée par Mme Freeland serait consternante.

OÙ VONT LES ARMES CANADIENNES

(excluant les États-Unis, en dollars canadiens)

1. Arabie saoudite : 142,2 millions

2. Australie : 115,8 millions

3. Royaume-Uni : 78,3 millions

4. Pérou : 59,4 millions

5. France : 41,2 millions

Source : Rapport sur les exportations de marchandises militaires, 2016, Affaires mondiales Canada. Notons que la valeur des exportations vers les États-Unis n'est pas révélée par Ottawa.

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